Après s’être concentrée en 2010 et 2011 sur son action de riposte graduée, qui était le principal objectif du législateur et des ayants droit, l’Hadopi entend bien s’installer en 2012 comme une force d’analyse et de propositions. Le Collège de l’Hadopi a publié ce lundi 5 chantiers qui sont tous pilotés par des membres de la Haute Autorité, les fameux « Labs » n’intervenant qu’en support « de discussion ».

« Ces chantiers visent à consolider et élargir les résultats dà
ores et déjà obtenus par là
institution dans les domaines de la transparence et de la compréhension des questions liées au téléchargement illégal et les offres légales dà
œuvres sur internet
« , explique la Haute Autorité dans un communiqué. Les cinq chantiers ci-dessous font tous l’objet d’une consultation ouverte jusqu’au 30 novembre 2011 :

  1. Economie des dispositifs de lutte contre le téléchargement illégal : piloté par Jacques Bille (ce magistrat à la rigueur toute particulière), ce chantier s’intéresse au « coût effectif total que représente la lutte contre le piratage« , en additionnant les dépenses privées et les dépenses publiques, en France et à l’étranger. Rappelons que pour la seule riposte graduée mise en œuvre par l’Hadopi, les 12 millions d’euros de budget annuel de l’autorité administrative doivent être complétés par les coûts pris en charge par les ayants droit pour la collecte des adresses IP (ce qui coûte très cher), et théoriquement le coût de remboursement par l’Etat des frais engagés par les FAI pour l’identification des abonnés. In fine, ce chantier pourrait servir de base à une évaluation du rapport coût/efficacité de la lutte contre le piratage ;
  2. Ingéniérie et coopération institutionnelles : piloté par Jean Musitelli (l’ancien président de l’Autorité de Régulation des Mesures Techniques, ARMT, qui s’est faite avaler par l’Hadopi), ce chantier vise à éclaircir la gouvernance de la régulation de la diffusion de la culture, en particulier sur Internet. L’Hadopi qui « considère que la distribution des rôles entre les différents intervenants publics doit se faire dans le cadre d’une régulation rationnelle et cohérente, conformément à l’intérêt général« , souhaite « ouvrir une réflexion sur ce que pourrait être l’articulation institutionnelle optimale de ce secteur avec pour triple objectif la recherche de la cohérence d’ensemble, l’économie des moyens mis en œuvre et l’identification des espaces de coopération entre opérateurs publics« . Un chantier qu’on ne peut comprendre sans connaître la rivalité croissante entre l’Hadopi et le CSA ;
  3. Agenda « Open Data » : piloté par Jean Berbineau (ancien secrétaire général de l’ARMT), ce chantier s’intéresse au mouvement de libération des données publiques concrétisé notamment par Etalab à l’échelon du gouvernement. « Compte tenu de la nature de certaines données, cette démarche s’accompagne d’un examen juridique approfondi des conditions à remplir et des traitements à opérer pour une telle mise en ligne« , explique l’Hadopi, qui reste floue sur les objectifs concrets de ce chantier.
  4. Rapport sur l’exercice effectif des exceptions : piloté par l’ancien ministre Jacques Toubon, il est sans doute le chantier qui amènera le plus de débat lors de la publication de ses résultats. Il vise en effet à « répondre à la question de savoir si le développement des nouveaux usages numériques doit conduire à modifier la définition, la nature et la portée de certaines exceptions, en appréciant leur légitimité« . On pense bien sûr à la copie privée, qui est de plus en plus remise en cause, mais aussi au « fair use » (droit à une utilisation équitable) qui n’existe pas en droit français, mais qui fait l’objet de revendications croissantes. Au moment où la Grande-Bretagne ou l’Irlande se penchent sur la question, le travail de Jacques Toubon pourrait s’avérer précieux. Mais l’on sent déjà la volonté de ne froisser aucune susceptibilité. « Les travaux seront très attentifs aux enjeux communautaires (territorialité, marché intérieur, gestion collective, régime communautaire autonome, économie numérique) et aux travaux similaires réalisés dans d’autres pays. Le chantier sera mis en œuvre dans le cadre d’une concertation, au travers de rencontres, entretiens et travaux de commande ou tout autre moyen pertinent« , prévient l’Hadopi. Peut-être Jacques Toubon, qui avait proposé la licence de gestion collective obligatoire dans le cadre du rapport Zelnik, pourra-t-il à nouveau nous surprendre positivement ?
  5. Etudes relatives aux pratiques de partage et au panier moyen des foyers : Piloté par Chantal Jannet (Présidente de l’Union féminine civique et social) et Michel Thiollière (sénateur UMP qui était rapporteur des deux lois Hadopi), ce chantier vise à « mettre en perspective sur une période longue (années 80 à nos jours) ces évolutions dans l’accès à la culture sous l’angle des pratiques (location, acquisition, partage, etc.) et sous l’angle des moyens « panier moyen des foyers consacré à la consommation de biens culturels et aux investissements nécessaires pour accéder aux œuvres culturelles)« . Il se divisera en deux études, la première portant sur l’évolution des possibilités d’usage d’un bien culturel (en particulier de partage), et la seconde sur « la proportion au sein du panier moyen des foyers de dépenses culturelles et de dépenses périphériques matérielles ou immatérielles nécessaires pour accéder à la culture« . Cette dernière pourrait s’avérer précieuse pour justifier la taxation de matériels qui aujourd’hui échappent à la rémunération copie privée, mais qui pourraient servir d’assiette pour une nouvelle rémunération assise sur les pratiques de partage. En clair, elle serait fondamentale pour l’instauration d’une licence globale, même si ça n’est pas (loin s’en faut) un objectif avancé par l’Hadopi.

Remarquons que sur les 9 membres du Collège de l’Hadopi, en dehors de la présidente Marie Françoise-Marais, seuls trois membres n’ont pas pris en charge de « chantier » pour l’Hadopi. Il s’agit de deux membres dont le mandat de 2 ans arrive à expiration fin décembre (ceci expliquant peut-être cela), et du député Franck Riester, dont le mandat ne s’achève que fin 2015.

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