À force de se tourner autour, ils ont fini par se rentrer dedans. En début de semaine, le site de l’association d’extrême droite Égalité et Réconciliation, fondée par l’essayiste antisémite Alain Soral, a été la cible d’un piratage revendiqué par Grégory Chelli, alias Ulcan, un pirate informatique qui a mis son savoir-faire au service de son militantisme sioniste. Le résultat ne pouvait que faire des étincelles.
L’affaire a été révélée mercredi par Le Monde et Libération. Aux deux journaux, l’auteur de l’attaque affirme avoir voulu s’en prendre à la vitrine en ligne d’Égalité et Réconciliation en vue d’obtenir la fermeture du site extrémiste. Comment ? En menaçant de divulguer sur le net des données personnelles appartenant aux personnes qui contribuent au site ou qui ont déjà procédé à des achats sur la boutique de l’association.
Divulgations qui ont en réalité déjà commencé. Sur Twitter, deux comptes, UlcanVv et JeTeTermine, ont relayé des liens pointant vers Pastebin avec des extraits d’une base de données qui a été piratée. Les listes publiées sur le service ont depuis été retirées mais elles ont été consultées par les deux quotidiens : elles incluent des noms, des adresses postales, des numéros de téléphone et des adresses électroniques.
D’après Grégory Chelli, il a en sa possession une base contenant des informations sur près de 80 000 personnes, des administrateurs aux membres de l’association, en passant par les visiteurs de passage qui ont passé commande. L’intéressé n’a toutefois pas tout publié d’un coup sur Pastebin. Seuls quelques extraits ont été diffusés, mais suffisamment larges pour inquiéter plusieurs centaines de personnes.
Une base de données qui contiendrait 80 000 références
Selon Le Monde, la base de données inclut aussi les mots de passe des utilisateurs mais ils ne sont pas aisément accessibles du fait d’un chiffrement les protégeant. De son côté, Libération indique que Grégory Chelli aurait aussi mis la main sur des données bancaires, en particulier les « les cartes bleues». Des informations qui sont aussi susceptibles d’être lâchées en ligne dans les prochains jours.
Dans une réaction publiée sur Facebook, Égalité et Réconciliation minimise grandement les allégations de Grégory Chelli. Le site parle non pas du piratage de la liste des adhérents mais une « liste interne à l’association » et qui serait obsolète — elle daterait des années 2010 et 2011. La vraie liste des adhérents serait en sécurité, chiffrée, accessible que par une connexion sécurisée et ne se trouve pas sur le site.
L’association poursuit en expliquant que l’intrusion s’est déroulée en exploitant une faille sur CloudFlare, un service spécialisé dans la distribution des sites web sur Internet, via une injection SQL. Méthode confirmée par Grégory Chelli. C’est à partir de cette brèche qu’il a pu ensuite récupérer la base de données. L’association conteste d’ailleurs le fait qu’elle contienne des données bancaires.
Le piratage du site d’Égalité et Réconciliation n’est pas la première action entreprise par Ulcan pour nuire à Alain Soral. En 2013, raconte Rue89, il avait téléphoné à des proches du polémiste pour des canulars plus que douteux, consistant essentiellement en des menaces (de viol par exemple) ou des mensonges (comme le coma d’un membre de la famille). Il aurait aussi diffusé l’adresse postale d’Alain Soral et incité des partisans à aller casser les carreaux de sa maison.
Des journalistes pris pour cible
La façon dont opère Ulcan n’est pas neuve. Ces appels téléphoniques ont déjà été utilisés contre des journalistes qu’il accuse de ne pas faire un traitement honnête du conflit qui oppose depuis des lustres Israël à la Palestine. Ceux qui se retrouvent dans son collimateur sont jugés trop « pro-palestiniens » ou d’avoir des griefs contre Tel Aviv. Ces appels ne sont pas ponctuels ; ils virent parfois au harcèlement en règle.
Cela n’est pas sans conséquence sur ceux qui sont dans son viseur. Rue89 en a fait la triste expérience il y a deux ans. Le père d’un des journalistes pris pour cible a fait un infarctus cinq jours après avoir reçu un appel d’Ulcan. Placé en coma artificiel pour essayer de le sauver, il décédera deux semaines plus tard. Bien que le lien de cause à effet n’est pas été clairement établi, l’appel a pesé sur l’état de santé du père.
Grégory Chelli jouit d’une relative impunité dans la mesure où il ne réside pas en France mais en Israël. Des procédures judiciaires sont enclenchées côté français mais elles ne connaissent pas de réelles suites du côté israélien.
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