Qui l’eut cru il y a encore un an, lorsque la Haute Autorité commençait à envoyer massivement ses avertissements ? Alors qu’elle avait été pensée par le législateur et par les ayants droit pour être leur principale alliée dans la lutte contre les internautes pirates, l’Hadopi se retrouve boudée des deux côtés de la frontière. Son indiscipline déçoit au ministère de la Culture et chez les représentants de l’industrie culturelle, qui lui reprochent de prendre trop fait et cause pour les internautes. Un comble.
C’est son opposition farouche au filtrage qui déplaît le plus. Au moins par calcul politique, si ce n’est par conviction, l’Hadopi a choisi de dire non à toute surveillance généralisée des contenus échangés sur Internet, et à toute solution qui viserait à filtrer ou bloquer automatiquement les musiques et autres vidéos téléchargées. Cette position dogmatique lui permet de se présenter sous un jour plus favorable que le CSA, dont l’avenir est profondément lié à sa capacité à devenir le régulateur du net, ce qui signerait à terme la mort de l’Hadopi. Au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel qui prône régulation et filtrage des contenus, l’Hadopi oppose donc ce qu’elle présente comme une expertise dans l’équilibrage de la préservation des droits et libertés dans l’univers numérique (sic). Alors qu’elle est née pour abattre la liberté de communication des internautes, l’Hadopi veut se muer en garant des libertés. Un grand écart impossible qui l’oblige à en passer par une multiplicité de signes envoyés à la société civile, qui déplaisent rue de Valois et chez les ayants droits. Résultat : l’Hadopi se retrouve détestée de toutes parts.
Certains reprochent même à l’Hadopi d’avoir carrément coupé les ponts avec l’industrie culturelle et son ministère de tutelle. Sa manière de mettre parfois les pieds dans le plat, notamment lorsqu’elle critique les faiblesses de l’offre légale de VOD, déplait. C’est ce qui expliquerait qu’elle n’a pas été invitée à s’exprimer au Forum d’Avignon, le grand rendez-vous international des professionnels de la culture, qui est pourtant d’une importance particulière cette année avec la présidence française du G8 et du G20. Selon L’Express, Nicolas Sarkozy y livrera vendredi un discours sur la création numérique. Mais même si « la propriété intellectuelle » et « le référencement des contenus culturels sur Internet » font partie des quatre débats prévus, où sa place paraissait naturelle, l’Hadopi a été priée de rester sur les chaises des spectateurs plutôt que les fauteuils des orateurs. Tout un symbole.
Si la riposte graduée ne donne pas de résultats probants, les ayants droit ne verront plus aucun intérêt de soutenir encore une autorité administrative dont ils estiment qu’elle joue contre leur camp. Et pour autant, l’Hadopi n’a pas envie de pérénniser une procédure d’avertissement massive à laquelle, fondamentalement, elle ne croit pas. Et qui va contre sa stratégie. C’est pour elle toute la difficulté, qui semble insoluble : comment se rapprocher des internautes et de leurs attentes (aussi bien en matière de protection des libertés que d’attractivité de l’offre légale), sans abandonner pour autant cette riposte graduée qui reste sa principale raison d’être ?
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