Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) ne s’en cache plus du tout. Il veut réguler les contenus sur Internet, comme l’autorité administrative l’a fait des contenus diffusés par la télévision et la radio. A défaut d’en avoir déjà les pouvoirs juridiques, il prépare dès maintenant les esprits sur le terrain médiatique en lançant une campagne de communication qui veut sensibiliser les parents sur l’ensemble des contenus susceptibles d’être vus sur un téléviseur ou tout autre écran. « L’opinion publique est en faveur de la protection de l’enfance, elle sera en faveur d’un minimum de régulation sur Internet« , assurait sur France Info le patron du CSA, Michel Boyon.
Une fois les élections de 2012 passées, le CSA utilisera sa grande influence pour pousser les réformes législatives qui lui permettront d’agir sur Internet. Depuis de nombreux mois, elle plaide pour une méthode dure, avec notamment le blocage des sites de vidéos en ligne qui n’auraient pas reçu son label de bonne conduite. Et s’il n’est pas imposé par la loi, ce blocage pourrait être massivement déployé via les systèmes de contrôle parental que certains députés proposent déjà d’installer au coeur des FAI.
Là où l’Hadopi se contenterait d’utiliser les fameux « moyens de sécurisation » pour bloquer les seuls sites qui ne respectent pas le droit d’auteur (ce qui est déjà trop), le CSA utiliserait des systèmes équivalents pour bloquer les sites qui ne respectent pas une certaine forme de décence dans les contenus, ou pour leur imposer un très difficile contrôle d’accès en fonction de l’âge de l’internaute.
Or c’est bien la liberté d’expression et de communication qui est en cause, et l’on doit craindre l’installation d’une certaine forme de censure. A cet égard, l’article publié par Emmanuel Berretta dans Le Point est révélateur :
Après ses 13 ans de cachot, et sa censure jusqu’en 1960, le marquis de Sade vient de tomber sous la férule du CSA. Le 7 novembre, le « divin marquis » est à l’origine d’une mise en demeure de France Culture qui a commis ce péché terrible d’avoir lu, le 23 juin 2011, à 10 heures du matin, des extraits du livre Les 120 journées de Sodome. Les Sages, terrifiés par l’horreur des tortures imaginées par Donatien-Alphonse-François de Sade, ont jugé que de tels écrits ne pouvaient être lus sans choquer les mineurs de moins de 16 ans qui, comme chacun le sait, écoutent en masse France Culture, le transistor collé sur l’oreille…
(…)
Le patron de France Culture fait observer qu’il n’est « pas interdit à un lecteur de moins de 16 ans qui se présente dans une bonne librairie d’acheter les œuvres de Sade dans lesquelles il trouvera exactement ce qui a été lu.
Or justement, si le CSA se met à réguler Internet, ce sont les librairies en ligne qui seront aussi régulées. Ce sont toutes les publications qui pourront tomber sous la guillotine du CSA, ou être verrouillées par des obligations de contrôle parental imposées à différents niveaux (éditeurs de service en ligne, FAI,…).
Le CSA avait une légitimité certaine pour réguler les contenus à la télévision ou à la radio lorsque ces deux médias utilisaient une ressource publique limitée (les ondes hertziennes), qu’il fallait que l’Etat administre dans l’intérêt général. Mais sur Internet, la ressource utilisée pour véhiculer les contenus n’est ni publique, ni limitée.
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