Le Parlement Européen a adopté jeudi à une large majorité une résolution qui demande à la Commission de veiller au respect de la neutralité du net par une régulation plus contraignante que la simple exigence de transparence par les opérateurs.

Enfin une véritable bonne nouvelle sur le front de la neutralité des réseaux à Bruxelles. Alors que la Commission Européenne parait abandonner toute idée de régulation ferme, en se contentant d’obliger les opérateurs à être transparents dans leurs violations de la neutralité du net, le Parlement Européen dans son ensemble a fait connaître jeudi matin sa volonté d’une régulation plus musclée.

La Quadrature du Net nous apprend en effet que les eurodéputés ont adopté à une large majorité la résolution qui avait déjà été adoptée en commission de l’industrie le mois dernier. « Même si le texte contient certaines failles, il s’agit d’une déclaration politique forte en faveur d’un internet ouvert« , écrit la Quadrature du Net. « En particulier, le Parlement invite la Commission à évaluer rapidement la nécessité d’une nouvelle réglementation pour protéger la neutralité du Net, dès que l’ORECE (le groupement des régulateurs européens des télécoms, ndlr) aura conclu » son étude sur les violations de la neutralité du net.

Pour Jérémie Zimmermann, le porte-parole du collectif citoyen, « si la commissaire Neelie Kroes est vraiment déterminée à défendre la liberté d’expression, comme elle l’a affirmé dans le passé, elle doit agir en conséquence en imposant la neutralité du net par la loi, comme cela a été fait aux Pays-Bas« . Il estime que le vote de jeudi matin accroît la pression sur la Commission européenne.

Le texte intégral de la résolution : (nous avons mis en gras les passages qui nous semblent les plus importants)

Le Parlement européen,
– vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 19 avril 2011 sur l’Internet ouvert et la neutralité d’Internet en Europe (COM(2011)0222 final),
– vu la question au Conseil du 12 octobre 2011 sur l’Internet ouvert et la neutralité d’Internet en Europe (O-000243/2011 – B7-0641/2011),
– vu la déclaration de la Commission du 18 décembre 2009 sur la neutralité de l’internet (2009/C 308/02),
– vu l’article premier, paragraphe 8, point g), de la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 modifiant les directives 2002/21/CE relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, 2002/19/CE relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion, et 2002/20/CE relative à l’autorisation des réseaux et services de communications électroniques,
– vu l’article 20, paragraphe 1, point b), l’article 21, paragraphe 3, points c) et d), et l’article 22, paragraphe 3, de la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques, la directive 2002/58/CE concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques et le règlement (CE) n° 2006/2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs,
– vu le règlement (CE) n° 1211/2009 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 instituant l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) ainsi que l’Office,
– vu sa résolution du 6 juillet 2011 sur le haut débit en Europe: investir dans une croissance induite par le numérique,
– vu la communication de la Commission du 19 mai 2010 intitulée « Une stratégie numérique pour l’Europe » (COM(2010)0245 final),
– vu les conclusions du Conseil du 31 mai 2010 sur la « Stratégie numérique pour l’Europe »,
– vu la communication de la Commission du 13 avril 2011 intitulée « L’Acte pour le marché unique, Douze leviers pour stimuler la croissance et renforcer la confiance – « Ensemble pour une nouvelle croissance » (COM(2011)206 final),
– vu le sommet sur « L’Internet ouvert et la neutralité d’Internet en Europe » coorganisé par le Parlement et la Commission le 11 novembre 2010, à Bruxelles,
– vu l’étude de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs du mois de mai 2011 intitulée « Neutralité des réseaux: défis et solutions au sein de l’Union européenne et aux États-Unis d’Amérique » (IP/A/IMCO/ST/2011-02),
– vu l’avis du contrôleur européen de la protection des données (CEPD) du 7 octobre 2011 sur la neutralité du net, la gestion du trafic et la protection de la vie privée et des données personnelles,
– vu l’article 115, paragraphe 5, et l’article 110, paragraphe 2, de son règlement,
A. considérant que le Conseil prévoit d’adopter, lors du Conseil « Transports, télécommunications et énergie » du 13 décembre 2011, des conclusions sur l’Internet ouvert et la neutralité d’Internet;
B. considérant que les États membres sont tenus de se conformer au paquet de réformes des télécommunications de l’UE de 2009 d’ici au 25 mai 2011 et que la Commission a déjà pris les mesures nécessaires pour veiller au respect des principes du traité UE et de l’acquis communautaire;
C. considérant que le Parlement a demandé à la Commission de garantir les principes de neutralité et d’ouverture de l’Internet et de promouvoir la capacité des utilisateurs finaux à accéder à des contenus et à les diffuser, ainsi qu’à utiliser des applications et des services de leur choix;
D. considérant que la Commission a demandé à l’ORECE d’examiner les obstacles au changement d’opérateur, les habitudes de blocage et de limitation du trafic internet ainsi que la transparence et la qualité de service dans les États membres;
E. considérant que le caractère ouvert d’Internet est un moteur clé de l’innovation, qui a mené à un essor spectaculaire des applications, contenus et services en ligne et donc à la croissance de l’offre et de la demande de contenu et de services, et que cette ouverture en a fait un accélérateur incontournable de la libre circulation des connaissances, des idées et des informations, y compris dans les pays dans lesquels l’accès à des informations indépendantes est limité;
F. considérant que certains pays tiers interdisent aux fournisseurs de haut débit mobile de bloquer les sites web licites et les applications de VoIP et de visiophonie qui concurrencent leurs propres services de téléphonie vocale ou de visiophonie;
G. considérant que les services de l’Internet sont fournis à l’échelle transfrontière et que l’Internet est au c?ur-même de l’économie mondiale;
H. considérant en particulier, comme souligné dans la stratégie numérique pour l’Europe, que le haut débit et l’Internet sont des moteurs importants de la croissance économique, de la création d’emplois et de la compétitivité européenne au niveau mondial;
I. considérant que l’Europe ne sera en mesure d’exploiter tout le potentiel d’une économie numérique qu’en favorisant un marché numérique intérieur pleinement opérationnel;
1. se félicite de la communication de la Commission et se rallie à son analyse, notamment en ce qui concerne la nécessité de préserver le caractère ouvert et neutre d’Internet en tant que moteur clé de l’innovation et de la demande des consommateurs, tout en s’assurant qu’il puisse continuer à délivrer des services de qualité élevée dans un cadre qui promeuve et respecte les droits fondamentaux;
2. note que les conclusions de la communication de la Commission indiquent qu’il n’y a, à ce stade, aucune nécessité d’une intervention réglementaire supplémentaire en ce qui concerne la neutralité d’Internet au niveau européen;
3. attire toutefois l’attention sur le risque de comportement anticoncurrentiel et discriminatoire dans la gestion du trafic, en particulier de la part des entreprises verticalement intégrées; se félicite de l’intention affichée par la Commission de publier les informations que les enquêtes de l’ORECE auront fournies en matière de pratiques présentant un risque potentiel pour la neutralité d’Internet dans les États membres;
4. invite la Commission à garantir la mise en œuvre du cadre réglementaire de l’Union en matière de communications et à étudier, dans un délai de six mois à compter de la publication des résultats de l’enquête de l’ORECE, si d’autres mesures réglementaires sont nécessaires afin de garantir la liberté d’expression, le libre accès à l’information, la liberté de choix des consommateurs et le pluralisme des médias ainsi que la compétitivité et l’innovation, et de proposer des avantages étendus aux citoyens, entreprises et administrations publiques dans leur utilisation d’Internet; souligne que toute mesure réglementaire européenne en matière de neutralité d’Internet devrait faire l’objet d’une analyse d’incidence;
5. salue les travaux menés par l’ORECE dans ce domaine et invite les États membres, en particulier les autorités réglementaires nationales (ARN), à coopérer étroitement avec l’ORECE;
6. prie instamment la Commission de surveiller étroitement, en coopération avec l’ORECE et les États membres, l’évolution des habitudes de gestion du trafic ainsi que les accords en matière d’interconnexion, en particulier en matière de blocage et de limitation ou de tarification excessive de la VoIP et du partage de fichiers, ainsi que de comportement anticoncurrentiel ou de dégradation excessive de la qualité, comme l’exige le cadre réglementaire des télécommunications de l’Union; demande en outre à la Commission de veiller à ce que les fournisseurs de services internet ne puissent bloquer, défavoriser, affecter ou amoindrir la capacité de chacun à utiliser un service en vue d’accéder à tout contenu, application ou service mis à disposition via Internet, de l’utiliser, de le transmettre, de le poster, de le recevoir ou de le proposer, quelle qu’en soit la source ou la cible;
7. demande à la Commission de fournir au Parlement des informations sur les pratiques actuelles de gestion du trafic, le marché de l’interconnexion et la congestion du réseau, ainsi que tout lien avec un manque d’investissement; demande à la Commission d’étudier plus avant la question de la « neutralité des appareils »;
8. demande à la Commission, aux États membres et à l’ORECE de garantir la cohérence de l’approche en matière de neutralité d’Internet et la mise en œuvre effective du paquet de réformes des télécommunications de l’UE;
9. souligne que toute solution proposée pour assurer la neutralité d’Internet ne peut être efficace qu’au travers d’une approche européenne cohérente; demande par conséquent à la Commission de suivre de près l’adoption de toutes les règlementations nationales en matière de neutralité d’Internet, en termes d’incidences sur les marchés nationaux respectifs ainsi que sur le marché interne; estime que toutes les parties prenantes tireraient un avantage à ce que la Commission propose des orientations à l’échelle de l’Union, en particulier en ce qui concerne le marché des communications mobiles, afin que les dispositions du paquet de réforme des télécommunications soient appliquées et mises en œuvre de manière appropriée et cohérente;
10. insiste sur l’importance de la coopération et de la coordination entre les États membres et en particulier entre les ARN, conjointement avec la Commission, pour que l’Union puisse exploiter tout le potentiel de l’Internet;
11. attire l’attention sur les importants risques que pourrait soulever la violation des principes de la neutralité d’Internet – tels que comportement anticoncurrentiel, blocage de l’innovation, restrictions à la liberté d’expression et au pluralisme des médias, manque de sensibilisation des consommateurs et atteintes à la vie privée – qui nuisent à la fois aux entreprises, aux consommateurs et à l’ensemble de la société démocratique, et rappelle l’avis du CEPD sur l’incidence des habitudes de gestion du trafic sur la confidentialité des communications;
12. relève que le cadre réglementaire de l’Union vise à promouvoir la liberté d’expression, l’accès non discriminatoire au contenu, aux applications et aux services ainsi qu’une concurrence effective, et que toute mesure en matière de neutralité d’Internet devrait par conséquent, en complément du droit de la concurrence existant, viser à lutter contre les éventuelles pratiques anticoncurrentielles, se traduire par des investissements et encourager les modèles d’entreprise innovants dans le domaine de l’économie en ligne;
13. considère que le principe de la neutralité d’Internet est un préalable important pour permettre le développement d’un écosystème internet innovant et assurer des conditions de concurrence équitables au profit des citoyens et des entrepreneurs européens;
14. considère qu’une concurrence effective en matière de communications électroniques, la transparence en matière de gestion du trafic et de qualité du service, ainsi que la facilité à changer d’opérateur sont des conditions minimales indispensables à la neutralité d’Internet, dans la mesure où elles garantissent aux utilisateurs finaux la liberté de choix et de demande;
15. reconnaît la nécessité d’une gestion raisonnable du trafic afin de garantir que la connectivité des utilisateurs finaux n’est pas interrompue par une congestion du réseau; note, à cet égard, que les opérateurs peuvent, sous le contrôle des ARN, appliquer des procédures permettant de mesurer et d’orienter le trafic afin de garantir la capacité de fonctionnement des réseaux et de répondre aux exigences en matière de qualité du service; prie instamment les autorités nationales compétentes d’utiliser pleinement leurs pouvoirs au titre de la directive « service universel » pour imposer des normes minimales de qualité de service, et considère que l’assurance de la qualité lors du transfert de services présentant un caractère d’urgence ne saurait constituer un argument pour déroger au principe d’obligation de moyens;
16. prie instamment les autorités nationales compétentes de s’assurer que les interventions sur la gestion du trafic n’impliquent pas de discrimination anticoncurrentielle; estime que la spécialisation (ou la gestion) des services ne devrait pas porter atteinte au maintien d’un accès à Internet solide, sans garantie de performances, favorisant ainsi l’innovation et la liberté d’expression, garantissant la concurrence et évitant une nouvelle fracture numérique;
Protection des consommateurs
17. demande que la gestion du trafic soit assurée dans la transparence, notamment que les utilisateurs finaux soient mieux informés, et insiste sur la nécessité de permettre aux consommateurs de faire des choix éclairés et de pouvoir effectivement opter pour l’opérateur qui réponde le mieux à leurs attentes ainsi qu’à leurs préférences, notamment en matière de vitesse et de quantité de téléchargements et de services; insiste, à cet égard, sur l’importance de fournir aux consommateurs des informations claires, efficaces, dignes d’intérêt et comparables relatives à toutes les autres pratiques commerciales pertinentes ayant des conséquences similaires, notamment sur l’Internet mobile;
18. demande à la Commission de publier davantage d’orientations concernant le droit de changer d’opérateur, afin de se conformer aux exigences de transparence et de promouvoir l’égalité des droits des consommateurs dans l’ensemble de l’Union;
19. note les inquiétudes exprimées par les consommateurs en ce qui concerne les différences entre la vitesse de connexion Internet annoncée et celle dont ils bénéficiaient réellement; invite, à cet égard, les États membres à appliquer de manière cohérente l’interdiction de la publicité trompeuse;
20. reconnaît qu’il est nécessaire de trouver des moyens de renforcer la confiance des citoyens dans l’environnement en ligne; invite, par conséquent, la Commission et les États membres à continuer d’élaborer des programmes éducatifs destinés à accroître les compétences des consommateurs dans le domaine des TIC et à lutter contre l’exclusion numérique;
21. demande à la Commission d’inviter les représentants des consommateurs et la société civile à participer, activement et sur un pied d’égalité avec les représentants du secteur, aux discussions sur l’avenir de l’Internet dans l’Union;
22. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission ainsi qu’aux gouvernements et aux parlements des États membres.
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