Nicolas Sarkozy l’avait affirmé aux représentants du monde de la culture, réunis lors des rencontres internationales de la culture, de l’économie et des médias au Forum d’Avignon. L’installation de l’Hadopi a permis de produire quelques effets contre le piratage sur Internet, au point de le diminuer de 35 % en France. Fort de ce chiffre, le chef de l’État avait affirmé être prêt à une loi Hadopi 3 destinée au streaming.
Deux semaines après le discours du président de la République, les premières réflexions sur ce sujet ont démarré. L’Hadopi a notamment demandé une étude sur le modèle économique des sites de streaming et de téléchargement de contenus illicites, afin d’élaborer des solutions pour assécher les finances de ces espaces en s’en prenant aux intermédiaires (régies publicitaires, banques, micro-paiement).
De son côté, le ministre de la culture et de la communication s’est rendu dans les locaux de France Inter pour évoquer, notamment, les dernières avancées en matière de lutte contre le streaming illégal et les plates-formes de téléchargement direct. À cette occasion, Frédéric Mitterrand n’a pas manqué de rappeler les importants dommages causés par ces pratiques à l’industrie du cinéma et de la télévision.
« Ce qui est certain, c’est que le streaming illégal lèse considérablement, encore, les droits des créateurs. Et on ne peut pas dire que le gouvernement soit resté indifférent au droit des créateurs. C’est bien le contraire. Donc il faut défendre les créateurs, et il faut d’abord que les créateurs se plaignent. Et c’est ce qu’ils sont en train de faire« , en référence à l’action engagée par les syndicats professionnels contre certains sites.
En conséquence, il a été demandé à l’Hadopi de produire une expertise juridique sur les moyens d’action contre le streaming illégal. C’est la condition sine qua non pour que le gouvernement vienne en aide à l’industrie du cinéma et de la télévision a expliqué Frédéric Mitterrand au micro de France Inter. « On est en train d’y travailler » a-t-il ajouté.
Poussé par Pascale Clark, le ministre a néanmoins reconnu que le streaming est un effet collatéral d’Hadopi. Autrement, si la loi n’avait pas existé, le streaming illicite ne se serait pas développé de cette manière et dans ces proportions. « Il y a des effets collatéraux, forcément. Chaque fois qu’il y a une réforme positive, il y a des petits malins qui essaient de contourner les choses. Mais ça, ça existe depuis toujours« .
Il est vrai que la loi Hadopi a poussé de nombreux internautes à modifier leurs usages pour continuer d’accéder à des contenus sans pour autant s’exposer à la menace d’un avertissement de l’Hadopi. C’est ainsi que les sites de streaming et les hébergeurs spécialisés ont connu une forte progression depuis l’été 2009, à l’image de MegaUpload.
Toutefois, le streaming (légal et illégal) avait déjà largement commencé à progresser avant l’Hadopi. De plus, cet usage se développe aussi énormément dans les autres pays où il n’y a pas de riposte graduée. C’est le cas des Etats-Unis. Si un accord sur la riposte graduée entre les ayants droit et les FAI est survenu cet été, des sites comme YouTube, Vimeo, Netflix ou Hulu se sont développés bien avant. Idem pour les services illicites.
Surtout, ce sont les faiblesses de l’Hadopi qui ont poussé de nombreux internautes à délaisser les réseaux peer-to-peer pour découvrir de nouveaux services. Frédéric Mitterrand semble découvrir ce qui était une évidence depuis bien longtemps. Dès l’avant-projet de loi, en 2008, des mises en garde avaient été lancées sur le fait que le texte n’allait rien changer au piratage s’il se limitait au P2P.
Comme nous l’écrivions alors dans notre article 10 bonnes raisons de rejeter la loi Hadopi :
Puisqu’il n’est techniquement possible que de trouver l’adresse IP de ceux qui partagent les œuvres et non de ceux qui les téléchargent depuis des serveurs distants, le projet de loi Hadopi ne vise de fait que le P2P dans son dispositif. Or aujourd’hui le piratage se produit au moins autant sur les serveurs de newsgroups et les sites de téléchargements et de stockage comme RapidShare, dont les utilisateurs sont mis à l’abri de toute procédure. De plus, les nouvelles générations de réseaux P2P sont conçues de façon à masquer l’adresse IP des utilisateurs qui partagent des fichiers, ou à ne pas pouvoir associer de façon certaine une adresse IP à un contenu partagé. Sachant qu’il est toujours politiquement beaucoup plus facile de créer une Autorité administrative que d’en démanteler une, est-il utile d’aggraver la charge publique par une énième Haute Autorité qui sera très rapidement incapable de travailler, ou de façon tellement anecdotique que son efficacité sera nulle ?
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