Les hommes et femmes politiques, tous partis confondus, font rarement figure de précurseurs en matière de maîtrise technologique. À droite, ces dernières années, les élus ont multiplié les gaffes remarquables au cours de leurs apparitions publiques. Florilège, à quelques jours de la primaire de la droite et du centre.
Quand Jacques Chirac découvre les souris d’ordinateur
Pendant l’hiver 1996, Jacques Chirac visite l’espace de recherche grand public de la Bibliothèque nationale de France (BnF). La perplexité du président de la République pendant la démonstration qui lui est faite, sur un ordinateur, des usages permis par Internet n’échappe pas aux journalistes présents sur place.
À un moment, Jacques Chirac interrompt l’explication technique d’un spécialiste pour demander : « La souris ? Qu’est-ce qu’on appelle la souris ? » La séquence, diffusée au journal télévisé de France 2, sera vite reprise par les Guignols de l’info, qui immortaliseront la formule du « mulot » pour moquer l’ignorance totale du président de la République en matière d’informatique.
Chirac était traumatisé par l’épisode du mulot
À une époque où « la révolution numérique est en marche », selon L’Express — qui cite le vice-président américain Al Gore en modèle car il possède un « possède un PC sur son bureau et l’utilise » –, l’ignorance de Jacques Chirac en matière d’informatique est du plus mauvais effet.
L’épisode semble en tout cas l’avoir particulièrement affecté, à en croire Valérie Pécresse : « À un moment donné de ma carrière [en 1998], je m’occupais du droit de l’Internet. Une mission interministérielle sur Internet allait être créée sous la responsabilité de Lionel Jospin et Jacques Chirac cherchait un conseiller pour la société de l’information. Il était traumatisé à l’époque par l’épisode du ‘mulot’. »
Jacques Chirac lancera par ailleurs, dès janvier 1998, le site de la présidence, qui permettait notamment d’écouter la Marseillaise ou encore d’écrire au président. Le concept même d’Internet restait déroutant pour de nombreuses personnes, comme le montre à merveille cette démonstration de Thierry Lhermitte sur le plateau de Jean-Luc Delarue, en 1996.
Frédéric Lefebvre sèche sur le web 2.0
En janvier 2009, Frédéric Lefebvre, porte-parole de l’UMP, est pressenti comme potentiel successeur à Éric Besson au secrétariat de l’économie numérique. Mais son passage remarqué dans l’émission de Jean-Jacques Bourdin sur BFM-TV nuit considérablement à sa crédibilité en matière de connaissance informatique.
https://www.youtube.com/watch?v=xQF5BJMRQkw
En guise de réponse à la question « qu’est-ce que le Web 2.0 ? », Frédéric Lefebvre commence à bredouiller : « Bah, le Web 2.0 c’est… euh… tout simplement… euh… l’Internet d’aujourd’hui, c’est-à-dire tout simplement… euh… ce sur quoi surfent tous les Français, moi comme les autres. » Quand Jean-Jacques Bourdin le presse pour obtenir une définition plus précise, Lefebvre conclut : « C’est-à-dire [que c’est l’] Internet d’aujourd’hui. » Sans jamais expliquer que l’expression désigne l’interactivité désormais offerte aux utilisateurs, symbolisée notamment par l’essor des réseaux sociaux.
Dans les jours qui suivent, Frédéric Lefebvre se montre en tout cas beaucoup plus inspiré au moment de se justifier : « [J’ai hésité au moment de répondre] car il existe plusieurs définitions du web 2.0 ! […] Je cherchais la meilleure définition possible et surtout celle qui était la plus compréhensible pour le grand public.. » Ou encore : « Je suis un utilisateur d’Internet depuis très longtemps car j’ai la chance d’avoir un frère qui travaille aux États-Unis dans l’informatique. C’est grâce à lui que j’ai découvert le web, avant le grand public. »
Christine Albanel, adepte du pare-feu OpenOffice
Ce n’est pas une blague mais elle a bien eu lieu un 1er avril : en 2009, Christine Albanel, ministre de la Culture et de la communication, se lançait dans une explication informatique déroutante en pleine séance de discussion sur le projet de loi Hadopi.
Sa définition des logiciels libres est pour le moins atypique : « Les logiciels libres peuvent aussi être assortis de pare-feux. Ainsi, au ministère, nous utilisons le logiciel libre Open Office, et un logiciel de sécurisation l’accompagne. Les éditeurs de logiciels libres fournissent les pare-feux, et même des pare-feux gratuits. »
Une confusion mémorable qui a apporté des arguments supplémentaires aux opposants à la loi de protection de la création sur Internet, déjà convaincus des grosses lacunes techniques des hommes et femmes politiques en charge du dossier.
Jacques Myard, partisan d’une approche autoritaire d’Internet
À droite, l’année 2009 aura été particulièrement riche en gaffes sur le numérique. Jacques Myard, député UMP, se fait même remarquer par deux fois. D’abord en affirmant, au sujet des blocages de sites illégaux de paris, que celui-ci sera difficilement contournable grâce à un argument atypique : « J’ai rencontré des sociétés du secteur de l’armement qui affirment que le blocage est parfaitement possible. Pour cela, [l’Autorité de régulation des jeux en ligne] devra se doter d’une batterie d’ordinateurs très puissants… »
Quelques mois plus tard, Jacques Myard fait preuve d’une incompréhension plus remarquable encore en suggérant une proposition de loi pour « nationaliser Internet » afin d’échapper à l’emprise des États-Unis, véritables maîtres du réseau selon lui : « Il faut savoir qu’Internet fonctionne par l’attribution des DNS (Domain Name System) aux différents opérateurs, sorte de routeur central du système, lequel est totalement aux mains d’une société américaine, l’ICANN, laquelle est elle-même le faux nez du gouvernement américain. »
Nicolas Sarkozy : « C’est quoi Le Bon Coin ? »
Au cours d’une rencontre avec des entrepreneurs de la région lyonnaise, en mai 2016, Nicolas Sarkozy, pas encore officiellement candidat à la primaire de la droite (et du centre), découvre un concept encore inconnu. Quand un chef d’entreprise affirme recruter « grâce au Bon Coin », l’ancien chef de l’État rétorque : « C’est quoi Le Bon Coin ? »
L’échange, rapporté par un journaliste de France Inter, fait vite le tour des réseaux sociaux, partagés entre l’hilarité et la consternation. Le site de petites annonces, lui, s’empresse de tweeter fièrement : « Le Bon Coin, c’est plus précisément 25 millions de Français connectés tous les mois. »
Cette découverte tardive fait tache pour un candidat qui affirme représenter le « peuple » sans connaître l’un des sites les plus visités par les Français, qui y trouvent notamment plus de 20 000 offres d’emploi.
En bon communicant, Nicolas Sarkozy visite les locaux du Bon Coin une semaine plus tard, pour retourner la situation à son avantage : « Je n’avais jamais utilisé Le Bon Coin, mais, depuis, je suis à fond dans la session de rattrapage ». Ce qui n’empêchera pas son meilleur ennemi, François Hollande, de lui lancer cette pique au moment de fêter les 10 ans du site : « Tous les Français connaissent Le Bon Coin, ou presque. »
Alain Juppé adore les « cookies »
Alain Juppé, 71 ans, ne manque pas une occasion de rappeler qu’il est l’un des premiers hommes politiques à avoir créé son blog, en 2004.
Le 3 novembre, quand l’émission Quotidien (TMC) cherche à savoir comment l’ancien Premier ministre choisit les emojis qu’il intègre dans certains tweets, il rétorque : « Les cookies là? Sur mon iPhone j’en ai 150, 200, 300… je ne sais plus, je ne les ai pas là ! » avant de se rattraper en affirmant sa préférence pour le « cookie » du biceps gonflé.
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