Parce qu’il favorise la responsabilité personnelle de l’abonné, les Labs de l’Hadopi plaident pour un filtrage placé sous le contrôle de l’abonné, au niveau de son propre réseau local, plutôt qu’un filtrage imposé à tous par l’intermédiaire des fournisseurs d’accès à Internet.

Les Labs Hadopi ont mis en ligne lundi la deuxième version de leur Livre vert sur les techniques de filtrage (.pdf), plus diplomate que la version extrêmement critique qui avait été dévoilée en octobre 2011. En particulier, on note la disparition de la violente diatribe adressée contre les Etats qui utilisent le filtrage intrusif par DPI pour contrôler leur population, ce qui « n’est pas acceptable en France« , notamment parce que « la France fait figure de Mère Patrie en matière de Droits de l’Homme et de libertés constitutionnellement garanties« .
Le document, qui détaille les limites du filtrage, pousse toujours l’argumentation au delà de la simple technique. « Les contenus filtrés continuent d’exister sur Internet. Ils ne sont pas effacés et restent accessibles aux personnes qui ont des compétences techniques particulières« , note ainsi le Lab Réseaux et Techniques de l’Hadopi. « Cela pose ainsi la question de l’égalité d’accès aux contenus sur Internet entre une sphère composée de personnes qui ont des connaissances techniques permettant de contourner les mesures de filtrages et d’accéder même illégalement à des contenus (films, musique…) et une autre sphère de personnes qui ne les posséderaient pas (et qui continueront donc à payer pour accéder à des contenus que d’autres obtiennent gratuitement)« .
Sur le plan technique, le document note toutes les possibilités de contourner le filtrage, ou les risques que ferait peser un filtrage trop intrusif, y compris dans une vision macro-économique. « Plus les stratégies de filtrage se rapprochent des infrastructures, plus elles appellent la prise en considération de multiples facteurs apparemment étrangers aux finalités de la stratégie initiale envisagée« , préviennent les Labs. Ils voient dans les techniques efficaces de filtrage un possible obstacle au développement des technologies d’avenir par les internautes français, ou l’accès par ces derniers aux protocoles développés ailleurs qu’en France.
Un filtrage sous le contrôle de l’utilisateur
Mais la réflexion principale des Labs est surtout dans le rapport de l’internaute au contenu filtré. Le filtrage doit-il être imposé ou volontairement subi ? « Dans l’hypothèse où un filtrage est opéré par un tiers, l’internaute est davantage déresponsabilisé« , constatent les Labs. « Il pourrait donc penser que les contenus qu’il consulte sont conformes avec la légalité. Il pourrait donc s’exonérer, au sens juridique du terme, de sa responsabilité« . Ils plaident donc pour « des solutions centrées sur l’utilisateur qui placent l’initiative de ce dernier au cœur du processus de filtrage« . C’est l’internaute lui-même qui doit accepter de filtrer son accès à Internt, parec que « l’enjeu est d’initier une dynamique responsable quant à ce que l’on accepte ou non, dans le respect de la position de l’utilisateur« .
C’est aussi le fondement théorique de l’infraction de négligence caractérisée. L’abonné n’a pas à filtrer son poste, mais s’il ne le fait pas il doit assumer l’usage illégal fait de son accès à internet.
Cependant, la question reste de savoir quoi filtrer, et comment. Pour aider l’abonné, « il pourrait être nécessaire de définir des paramétrages de filtrage  » par défaut  » contournables et documentés dont le sens et la finalité seraient à même d’être appréhendés par tous quelque soit son niveau« . C’est tout l’enjeu des spécifications fonctionnelles des moyens de sécurisation proposés aux abonnés, dont le chantier semble encore immense, un an et demi après le premier projet soumis à consultation.
Au final, même s’ils choisissent le moindre mal entre un filtrage imposé et un filtrage volontairemnet subi, les Labs préviennent que ce ne sera pas suffisant pour lutter contre le piratage. « La problématique de filtrage d’un contenu litigieux concerne également la notion de persistance des contenus sur Internet (…) La question du filtrage intéresse aussi l’indexation des données filtrées et leur visibilité dans les moteurs de recherche. Autrement dit, le filtrage ne peut faire l’économie ultérieure d’une réflexion complexe sur ces derniers« , plaide le Livre vert.

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