La loi sur la surveillance internationale des communications électroniques, prise pour compléter la loi sur le renseignement, fait l’objet de deux recours d’une eurodéputée néerlandaise.

Le tournant sécuritaire français n’inquiète pas que dans l’Hexagone. En Europe aussi, le zèle avec lequel le gouvernement et le parlement français adoptent de nouvelles lois au nom de la lutte contre le terrorisme préoccupe. La preuve : une eurodéputée néerlandaise issue du groupe libéral ADLE, Sophie In’t Veld, a décidé de déposer deux recours devant le Conseil d’État pour contester l’une de ces lois.

L’action de l’élue européenne, racontée par Mediapart, vise le texte sur la surveillance internationale des communications électroniques, qui a été pris uniquement pour combler la seule partie censurée de la loi sur le renseignement de juillet 2015. Malgré son imprécision rédactionnelle, elle a quand même été validée fin novembre de la même année par le Conseil constitutionnel.

Comme nous l’expliquions alors, le texte aménage un régime spécial simplifié pour les services de renseignement qui souhaitent collecter et analyser massivement des communications électroniques à l’étranger.

Mais il concerne également l’écoute de communications en France ou par des Français, dès lors qu’il s’agit de communications émises « depuis l’étranger » et que les personnes concernées font déjà l’objet d’une autorisation d’interception de sécurité ou si elles sont déjà « identifiées comme présentant une menace au regard des intérêts fondamentaux de la Nation », définie de façon extrêmement large.

Parmi ses mesures dérogatoires, le texte donne au Premier ministre la possibilité d’autoriser des « traitements automatisés » (des algorithmes ou boîtes noires) permettant une « exploitation non individualisée », donc une surveillance massive sans contrôle précis du dispositif par la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Il permet par ailleurs de stocker plus longtemps les informations collectées.

Malgré l’apparent caractère franco-français de cette loi, Sophie In’t Veld considère qu’elle a la possibilité de la contester juridiquement du fait de son statut de citoyenne européenne. Cette législation malmènerait, juge-t-elle, les droits dont bénéficie n’importe quel citoyen européen. Dans cette démarche, elle a pu compter sur le soutien du collectif français des Exégètes amateurs, très actif sur ces sujets.

Argument supplémentaire mis en avant pour justifier sa démarche, Sophie In’t Veld est, du fait de son statut d’eurodéputée, amenée à se rendre tous les mois, une semaine durant, à Strasbourg pour assister aux sessions plénières du Parlement européen. Dès lors, elle pense que ses télécommunications vers et depuis l’étranger « sont susceptibles d’avoir été interceptées ». Et qu’elles peuvent l’être toujours.

Union européenne

CC European Parliament

Déposés le 8 septembre, les deux recours ont d’ores et déjà reçu un premier signal positif du Conseil d’État. En effet, Mediapart signale que la plus haute instance de l’ordre administratif français a validé les requêtes introductives de la  députée. Reste désormais à convaincre l’institution ; celle-ci prendra connaissance en décembre du contre-argumentaire produit par Matignon.

Le premier est un « recours en vérification ». Axé sur le fond, il vise à questionner la légalité des mesures de surveillance activées dans l’Hexagone. L’autre, dit « recours en excès de pouvoir », cherche à discuter le « refus implicite » qu’aurait émis la CNCTR.

Double recours contre la loi

La stratégie de Sophie In’t Veld tourne autour de deux axes :

D’abord obtenir la suppression des données personnelles collectées sur la période 2008 – 2015, c’est-à-dire avant que la loi sur surveillance internationale des communications électroniques n’entre en vigueur. Elle estime que les mécanismes qui existaient avant, via un décret secret du ministère de la défense, étaient illicites au regard de la constitution française, faute de loi pour les encadrer.

Ensuite montrer qu’il existe une sorte de discrimination entre les citoyens de l’Union européenne, avec d’un côté les Français et par ailleurs tous les autres. La Charte des droits fondamentaux interdit une telle discrimination et tout l’enjeu sera de savoir si le dispositif législatif voté en France est effectivement discriminant — ce qu’estime l’eurodéputée et ce que conteste le gouvernement.

Il reste maintenant à savoir ce que dira le Conseil d’État. Une fois que seront entendus les arguments et les contre-arguments, une phase d’audience s’ouvrira. Ensuite, la juridiction pourra se tourner vers la Cour de justice de l’Union européenne pour obtenir son avis. Dans le cas contraire, en fonction de ce que dira l’institution, Sophie In’t Veld pourra relancer son action, cette fois devant la Cour européenne des droits de l’homme.

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