Si les projets de loi anti-piratage PIPA (Protect IP Act) et SOPA (Stop Online Piracy Act) concernent avant tout les Américains, les débats ont néanmoins été suivis avec beaucoup d’attention à l’étranger. En France, plusieurs sites et blogs, comme ceux de Reporters Sans Frontières ou La Quadrature du Net, ont par exemple manifesté leur soutien en se joignant au blackout qui s’est déroulé toute la journée du 18 janvier.
Les ayants droit français se sont aussi fortement intéressés aux discussions parlementaires, comme en témoigne le soutien qu’ont affiché la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) et la Société civile des auteurs réalisateurs et producteurs (ARP). En décembre, les deux organisations avaient ainsi signé un communiqué commun dans lequel elles ont annoncé se ranger aux côtés des réalisateurs américains.
Un mois plus tard, les rapports de force ont quelque peu évolué. Grâce à la campagne médiatique, les anti-PIPA et anti-SOPA ont marqué des points décisifs auprès des politiques. Des millions d’Américains ont été sensibilisés aux enjeux du débat et plusieurs parlementaires, sous la pression populaire, ont préféré faire machine arrière. Face aux incertitudes croissantes, le vote des deux textes a même été reporté.
Une évolution qui évidemment déçoit la SACD et l’ARP. Dans un autre communiqué, les deux sociétés regrettent les « interprétations inexactes ou caricaturales des mesures préconisées« . Pourtant, le professeur de droit Yochai Benkler, enseignant à Harvard, le danger avec des dispositifs comme SOPA et PIPA dans la législation américaine est très grand.
Comme l’a synthétisé la Quadradure du Net, Yochai Benkler considère (.pdf) de tels textes cherchent à transposer dans le domaine civil des méthodes de censure auparavant réservées à l’anti-terrorisme et qui étaient déjà très critiquées de longue date. Des techniques qui ont été utilisées auparavant contre WikiLeaks, qui a été accusé de terrorisme par des élus pour avoir diffusé des documents confidentiels.
Pour la SACD et l’ARP, « la mise en place de ce filtrage [doit] évidemment respecter les procédures normales dans un État de droit« . Mais que dire alors de ce courrier signé par des dizaines de professeurs de droit et dans lequel ils ont notamment pointé les « graves déficiences constitutionnelles » ? Est-ce là l’orientation que doit prendre un « État de droit » ?
Des craintes balayées par les deux sociétés. Selon elles, il ne s’agit pas, avec PIPA et SOPA, « d’introduire des techniques de filtrage inédites par rapport à celles qui existent d’ores et déjà pour protéger les internautes contre les spams ou les virus« , pas plus qu’il n’est question de perturber l’activité des FAI… « dès lors qu’elle ferait l’objet d’accords avec les titulaires de droits« . Evidemment.
Et la liberté d’expression alors ? La SACD et l’ARP se montrent très clairs. Ce droit fondamental « n’a pas pour objectif de permettre la poursuite d’activités illégales, et encore moins d’assurer la rentabilité de sites qui réalisent des profits importants grâce à des œuvres dont ils n’ont assuré ni la création, ni le financement, et ce à l’abri dans des paradis du droit d’auteur« .
Autrement dit, la liberté des uns doit toujours s’arrêt là où commence celle des autres.
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