Puisque les véhicules se déplacent essentiellement sur des routes qui appartiennent à l’espace public, la question s’est posée aux Etats-Unis de savoir si traquer les voitures par GPS était légal sans obtenir au préalable le mandat d’un juge. La Cour Suprême vient d’y répondre dans la décision United States v. Jones (.pdf), en affirmant que les autorités policières devaient avoir l’autorisation du juge avant de collecter des données de déplacement des suspects, au risque sinon de voir les preuves collectées être annulées pour vice de forme.
Dans le cas d’espèce, les policiers avaient traqué pendant 28 jours les déplacements d’un trafiquant de drogues présumé grâce à un système GPS qu’ils avaient implanté sur la voiture de sa femme. Ils avaient alors utilisé les données pour identifier les complices et les poursuivre en justice. En première instance, le tribunal avait accepté de retenir les données du GPS, en écartant uniquement celles obtenues lorsque le véhicule était stationné chez le suspect. La Cour d’appel avait quant à elle exigé que toutes les données soient effacées, y compris celles relatives à la circulation sur les voies publiques. Un avis suivi par la Cour Suprême.
Plus que la conclusion, c’est le raisonnement des juges suprêmes qui est très intéressant. Ils estiment en effet que juger autrement aurait été dangereux pour la vie privée au regard du développement des technologies modernes, mais que celui-ci changera inévitablement la donne.
« Avant l’ère des ordinateurs, les meilleures protections de la vie privée n’étaient ni constitutionnelles ni légilslatives, mais pratiques« , explique en effet le juge Scalia, qui a rédigé la décision. « La surveillance traditionnelle pour quelque période étendue que ce soit était difficile et coûteuse et dès lors rarement mise en œuvre. La surveillance en question dans cette affaire – la surveillance de l’emplacement d’un véhicule pendant quatre semaines – aurait exigé une grande équipe d’agents, de multiples véhicules, et peut-être une assistance aérienne. Seule une enquête d’une importante inhabituelle aurait justifié une telle dépense des ressources de maintien de l’ordre« . Mais aujourd’hui, « des appareils comme celui mis en œuvre dans la présente affaire rendent la surveillance de long terme relativement facile et peu coûteuse« .
De « l’attente raisonnable » d’être surveillé
Les juges de la Cour Suprême ont donc appliqué la doctrine habituelle pour la protection de la vie privée au regard du 4ème amendement de la Constitution, en se demandant si le justiciable pouvait « raisonnablement avoir anticipé » d’être ainsi surveillé sans autorisation d’un magistrat. Or ils estiment que le suspect ne pouvait pas imaginer vu la modeste gravité des faits être ainsi traqué en permanence pendant un mois continu. Il n’a donc pas pu protéger sa vie privée comme il l’aurait fait s’il se savait potentiellement sous surveillance.
Dans sa décision, la Cour prévient cependant qu’il y a une ligne jaune difficile à placer, entre la surveillance de courte durée qui serait admissible sans mandat, et la surveillance de plus longue durée. Ils demandent aux Etats de légiférer pour encadrer les choses de manière plus sûre et mieux protéger la vie privée des citoyens américains.
En effet, la Cour Suprême fait bien comprendre qu’il s’agit là d’une décision d’espèce, qui ne sera sans doute plus applicable dans quelques années. Elle pointe le fait que 322 millions d’appareils mobiles étaient en circulation aux Etats-Unis en juin 2011, et qu’une part croissante est équipée de puces GPS. Que par ailleurs, les réseaux sociaux qui se basent sur la géolocalisation se développent. Et que dès lors, la conscience qu’auront les citoyens d’être observable en permanence va s’élever, ce qui fera que les suspects pourront « raisonnablement avoir anticipé » d’être surveillés sans mandat. Le 4ème amendement ne pourra donc plus s’opposer aux surveillances non encadrées par un juge, sauf loi contraire.
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