Avec Internet, il est apparu des mouvements complètement destructurés, sans chef ni organisation centrale pour encadrer leurs membres. Anonymous, qui se retrouve régulièrement au coeur de l’actualité, est typiquement dans cette situation. Si nombre d’Anonymous partagent manifestement la même idéologie, ce n’est pas pour autant qu’ils agissent de concert. Et si certaines causes en mobilisent beaucoup, d’autres n’intéressent que des comités plus réduits.
Pour s’en convaincre, il suffit de regarder la variété des sujets auxquels les Anonymous se sont intéressés ces dernières années. S’ils ont gagné en notoriété en s’opposant à la Scientologie, ils ont depuis étendu leur champ d’action à d’autres thèmes : pédopornographie, drogue, riposte graduée, printemps arabe ou, plus prosaïquement, fermeture d’une plate-forme de téléchargement.
Les sujets sur lesquels se mobilisent les Anonymous sont donc multiplies, même s’il est tout à fait possible d’en relier certains par quelques principes transversaux comme la liberté d’expression ou le respect de la vie privée. Pour autant, à force de se mobiliser pour une foultitude de causes, le risque de brouiller les revendications n’est pas négligeable. Surtout lorsque des modes d’intervention critiquables sont employés.
C’est le cas d’une récente initiative, qui nous a été communiquée par e-mail. Des individus se revendiquant des Anonymous ont obtenu des informations personnelles de 541 policiers français. Il est expliqué dans le courrier que « suite aux différentes actions de l’État désirant sans cesse vouloir contrôler nos libertés, nos faits et gestes, [Anonymous] réagit face à ces interventions qui nous sont néfastes« .
Le mail poursuit alors en citant l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit« .
Considérant que « l’État prône aujourd’hui une politique de censure, de répression et de terreur qui s’amplifie de jour en jour à travers des lois mal conçues par des personnes incompétentes, empêchant les individus d’exprimer leur liberté d’expression« , le mail considère qu’à « ces actions de privations de liberté » doit être opposée une réponse spécifique : diffuser des informations personnelles (ce n’est d’ailleurs pas la première fois).
Or, si les objectifs poursuivis par ces internautes se revendiquant du groupe Anonymous sont tout à fait louables (qui peut de toute façon s’opposer à la liberté d’expression ou au respect de la vie privée ?), ce type de pratique est condamnable. Le groupe, qui répète à l’envi son désir de se placer du côté des internautes, foule quelque peu au pied ses propres principes en diffusant des données personnelles.
Car policiers ou non, il s’agit avant tout de citoyens. Les données, diffusées sur Pastebin et dans un fichier texte hébergé sur FileServe, portent sur le nom et le prénom du policier, son adresse e-mail, son mot de passe, son numéro de téléphone (fixe ou mobile), son statut et son département. Il ne s’agit là que d’un extrait, le groupe affirmant disposer d’informations concernant plus de policiers.
La fin justifie-t-elle les moyens ? Faut-il livrer sur la place publique des informations personnelles, même de policiers, au nom de la défense de la liberté d’expression, au risque d’affecter la vie privée de ces personnes ?
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