C’est officiel. Bernard Cazeneuve n’est plus ministre de l’Intérieur. Depuis ce mardi, à la demande de François Hollande, il est devenu premier ministre en remplacement de Manuel Valls, qui a démissionné pour pouvoir se lancer dans la présidentielle de 2017.
Le départ de Bernard Cazeneuve du ministère de l’Intérieur est l’occasion de tirer un bilan général de son action politique quand elle a eu un effet sur le numérique et les technologies mais aussi de rappeler les prises de position du ministre sur ces sujets. Retour sur quatre grandes orientations qui ont été mises en place ou impulsées pendant les deux ans et huit mois où le ministre était le « premier flic de France ».
Déréférencement des sites
En mars 2015, le gouvernement a fait publier au Journal officiel le décret qui permet aux services de police de demander aux moteurs de cherche — principalement Google — et aux annuaires le déréférencement des sites web accusés de faire l’apologie du terrorisme. Une fois envoyé, l’ordre devra être exécuté dans les 48 heures sans aucune possibilité de recours.
L’initiative a été prise par Bernard Cazeneuve dans le cadre du projet de loi de lutte contre le terrorisme, à la faveur d’un sous-amendement. La tâche est confiée à l’OCLCTIC, soit l’office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication. Le processus se fait sans l’intervention du juge judiciaire qui ne peut pas vérifier la licéité ou l’illégalité des sites en cause.
Les moteurs de recherche et les annuaires doivent prendre «toute mesure utile destinée à faire cesser le référencement de ces adresses », et doivent le faire en respectant scrupuleusement « la confidentialité des données qui leur sont ainsi confiées ». Pas question, donc, de publier les ordres de censure. La mesure s’applique également aux contenus pédopornographiques.
Blocage des sites
Comme l’autorise la loi antiterroriste du 13 novembre 2014, et le décret d’application publié en début d’année 2015, le gouvernement peut réclamer non seulement le blocage des sites considérés comme faisant l’apologie du terrorisme (ou appelant à commettre des actes terroristes) mais aussi celui des sites pédopornographiques, dont la censure au niveau des DNS avait été prévue dès la loi Loppsi de 2008, mais jamais mise en application.
C’est là encore l’OCLCTIC, qui dépend du ministère de l’Intérieur, qui établit la liste des sites à bloquer. Les critères de sélection des pages à bloquer sont contrôlés de façon confidentielle par une personnalité de la CNIL. Tout le processus se fait au niveau de l’administration, c’est-à-dire sans l’intervention d’un juge judiciaire, et dans la plus grande discrétion.
L’article 6-I de la LCEN expose que « lorsque les nécessités de la lutte contre la provocation à des actes terroristes ou l’apologie de tels actes relevant de l’article 421-2-5 du code pénal (…) le justifient, l’autorité administrative peut demander » aux fournisseurs d’accès à Internet « d’empêcher sans délai l’accès à ces adresses ». Un simple délai de 24 heures après notification à l’hébergeur doit être respecté si son nom est affiché.
Restriction du chiffrement
Aucun texte n’a pour l’instant été voté mais c’est une position que Bernard Cazeneuve a réaffirmé tout au long de ces derniers mois. Lors d’une rencontre avec son homologue allemand au cours de l’été, l’ex-ministre indiquait son intention de « lancer une initiative européenne destinée à préparer une initiative plus internationale permettant sur cette question de faire face à ce nouveau défi ».
Ayant en mémoire le meurtre du prêtre de l’église de Saint-Étienne-du-Rouvray, qui a mêlé la messagerie sécurisée Telegram, il notait que « beaucoup des messages échangés en vue de la commission d’attentats terroristes le sont désormais par des moyens cryptés, ce qui rend difficile le travail des services de renseignement ». Ce n’est que quelques mois plus tard, en septembre, que les premières pistes ont commencé à émerger.
Début septembre, dans une réponse écrite à un sénateur inquiet des effets du chiffrement, le ministère confiait avoir deux options sur la table : soit une interdiction pure et simple du chiffrement de bout en bout soit en imposant des portes dérobées (backdoors) en les plaçant sous contrôle de l’éditeur. Mais dans un cas comme dans l’autre, ces deux pistes accoucheront d’une montagne de problèmes.
Fichier TES
C’est la surprise de l’automne. Au nom du gouvernement, Bernard Cazeneuve a fait publier en toute discrétion un décret signant l’acte de naissance d’une base de données immense, dont le rôle sera de regrouper les informations personnelles et biométriques de la quasi-totalité de la population. En toute discrétion, car le décret a été publiée au Journal officiel lors du pont de la Toussaint.
Bernard Cazeneuve l’affirme. Le fichier TES — c’est son nom — n’a pas vocation à identifier les Français mais à les authentifier, ce qui est très différent. Le ministre promet également que l’infrastructure sera suffisamment sécurisée, fiable et robuste pour que les éventuelles tentatives de falsification, de vol ou simple intrusion. Plusieurs agences spécialisées dans la sécurité seront d’ailleurs mobilisées à cette fin.
Pour défendre le fichier TES, Bernard Cazeneuve a parfois utilisé d’arguments inexacts (la CNIL n’a par exemple pas totalement validé le fichier) ou ahurissants (votez pour le PS et le fichier ne sera jamais détourné de ses finalités). Face au tollé, l’ex-ministre s’est résolu à accepter quelques aménagements à la marge mais a refusé de remettre en cause l’idée même de cette base de données globale.
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