Si vous avez déjà pris l’avion avec Air France, il est tout à fait possible que votre vol ait fait l’objet d’une opération de surveillance de la NSA. Non pas parce que l’agence de renseignement américaine en avait spécifiquement après vous, mais parce qu’à bord de l’appareil se trouvaient des passagers qui passaient des appels téléphoniques avec l’extérieur.
Ce sont ces communications qui intéressent l’agence. Selon de nouveaux documents qui avaient été conservés par Edward Snowden et qu’a pu étudier Le Monde, dans le cadre d’un partenariat avec le site The Intercept, les services secrets américains ont très tôt mis en place une tactique sur la manière d’espionner les coups de fil pouvant avoir lieu dans les avions commerciaux.
Et Air France constitue un objectif. La raison ? « La CIA considère que les vols Air France et Air Mexico sont des cibles potentielles des terroristes », lit-on dans un mémo signé de l’une des principales directions de la NSA, celle qui a la responsabilité du renseignement d’origine électromagnétique (Signal Intelligence Directorate). Cet avertissement de la CIA a été émis dès 2003.
La mise en garde a visiblement bien été intégrée par la NSA puisqu’en 2005, le nom de la compagnie française apparaît dans des documents de l’agence au sujet d’un programme de « traque des avions civils dans le monde entier ». On le devine : il s’agit d’éviter qu’un nouveau scénario d’attentat comme celui qu’ont connu les États-Unis le 11 septembre 2001 ne puisse se reproduire.
Traque des avions civils dans le monde entier
Interrogé sur la légalité d’une telle surveillance, le service juridique de la NSA a donné son feu vert : « il n’y a aucun problème légal pour cibler les avions de ces deux compagnies à l’étranger ». Et d’ajouter que la surveillance devrait être renforcée lorsque ces vols sont sur le point d’entrer en Amérique : « Ils devraient être sous la plus haute surveillance dès qu’ils entrent dans l’espace aérien américain ».
Les documents montrent que la collecte des informations se fait « quasiment en temps réel ». La captation se fait sans aucun problème lorsque l’avion se trouve à son altitude de croisière : le signal passe d’abord du téléphone au satellite avant d’être dirigé vers le sol. C’est à ce moment-là que l’interception se fait, via des stations secrètes appartenant à la NSA ou à des structures partenaires.
Il suffit que le téléphone soit allumé pour le localiser et les informations qui sont captées peuvent ensuite être croisées avec le registre des listes de passagers et les numéros des avions, ce qui permet d’identifier celui qui passe le coup de fil. La possibilité la plus spectaculaire reste la perturbation à distance du mobile pour forcer l’usager à le redémarrer.
Le passager ne soupçonne pas qu’en redémarrant le téléphone, il communique alors aux agents des services secrets un certain nombre d’informations, comme ses identifiants.
Le ciel pourrait appartenir à la NSA
De nombreuses autres compagnies aériennes sont concernées, essentiellement celles du Moyen-Orient comme Etihad Airways, Qatar Airways, Saudi Airlines ou Oman Air. Mais on trouve aussi une compagnie russe, Aeroflot. Plus généralement, le GCHQ, qui est la version britannique de la NSA, notait qu’en 2012 pas moins de 27 compagnies permettaient à leurs passagers d’utiliser un téléphone portable ou étaient sur le point de l’autoriser.
Et si le terrorisme a été le principe moteur de ce programme de surveillance aérienne, il est très vite apparu qu’on pouvait l’étendre à d’autres problématiques : lutte contre le trafic de drogue, espionnage des délégations étrangères, contrôle de la prolifération nucléaire, écoute des conversations d’hommes d’affaires et ainsi de suite. Après tout, « ils utilisent tous leur téléphone portable lorsqu’ils sont dans un avion », note la NSA.
Si certaines compagnies étaient plus étroitement surveillées que d’autres, l’objectif global de la NSA est de se rendre maître du ciel et donc de pouvoir tout écouter à 10 000 mètres d’altitude. C’est en tout cas ce qui est ressorti d’une lettre d’information interne datée de 2009. Dans celle-ci, l’agence américaine écrivait non sans ambition que « le ciel pourrait appartenir à la NSA ».
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