Christian Eckert, Secrétaire d’État au Budget, avait pourtant prévenu les députés que leur vœu de voir une taxe YouTube deviendrait surtout une taxe Dailymotion. Car à l’instar des députés Les Républicains, le gouvernement estime que ce nouvel impôt viendra d’avantage pénaliser les services français, pour qui le recouvrement de l’impôt est possible, que les services internationaux situés en dehors du territoire national. Les parlementaire de droite vont jusqu’à parler d’une « usine à gaz fiscale ».
La taxe Dailymotion
Mais malgré les avertissements, soutenus par les ayants-droit et le CNC, les députés socialistes ont finalement réuni une majorité pour voter l’amendement qui instaurera cette taxe. Les défenseurs de cette taxe, comme Karine Berger (PS), voient en cette extension de la taxe sur la vente et locations des vidéogrammes — datant de 1993 — « un petit pas vers une fiscalité des GAFA ». Un argument fragile pour le gouvernement qui préfère parler d’initiatives d’échelle internationale pour la taxation des géants du web.
Cette taxe inventée en 1993 prévoit de taxer à hauteur de 2 % les vendeurs et sociétés de locations de vidéo afin de redistribuer une partie de leurs revenus au Centre National du Cinéma (CNC). Une répartition censée soutenir la création plus largement qu’en taxant seulement les cinémas.
Néanmoins, la volonté des parlementaires pourrait se heurter au Sénat qui avait déjà reculé en octobre sur la même question. Il faut ajouter qu’en dehors du volontarisme fiscal des députés socialistes, la taxe sera particulièrement complexe à appliquer.
Si nous prenons l’exemple de Netflix qui est visé par les parlementaires, la société ne communique nullement sur ses bénéfices, ni par ailleurs sur la consommation de contenus de ses abonnés : une telle taxe sera plutôt un coup d’épée dans l’eau. Netflix ayant récemment quitté la France et étant domicilié en dehors du territoire français, il est très probable que le fisc français ne soit jamais en mesure de faire payer le service.
Il en va de même pour YouPorn qui est également visé par le texte : la pornographie doit être taxé à hauteur de 10 % selon le législateur, mais sans information sur la consommation des Français, ni même de recours possible, il est difficile d’imaginer Bercy toucher un jour les revenus de cette taxe.
En fin de compte, les seules plateformes qui pourraient payer cet impôt sont la VoD française et Dailymotion, pour qui le prélèvement est moins complexe et réalisable. Or, si l’on considère que les députés socialistes souhaitent effectivement taxer les géants américains pour mettre devant un pied d’égalité les entreprises françaises et les sociétés transnationales, la loi semble plutôt inadaptée.
Pour Christian Eckert, contrairement aux prévisions des députés qui estiment à 70 millions d’euros les revenus de cette taxe pour l’année 2017, cette nouvelle taxation ne devrait rapporter qu’un million d’euros.
Un texte contradictoire
Le texte comporte également une autre complexité qu’il sera nécessaire d’éclaircir avant toute application, l’impôt ne doit s’adresser qu’aux plateformes dont la vidéo est la première activité commerciale. Or si on considère Facebook, dont la première activité n’est pas la vidéo, mais qui pourrait être amené à voir ses revenus être principalement générés par son activité d’hébergeur multimédia dans les années à venir, la loi pourrait-elle s’appliquer ?
Enfin, il y a également une contradiction plus profonde dans l’intention du texte. La loi prévoit en effet de soutenir les plateformes qui, comme YouTube, permettent aux utilisateurs privés de créer des contenus. Ces dernières seront soutenues par un abattement de deux tiers sur leur imposition pour favoriser « le partage et l’échange au sein de communauté d’intérêt ». Mais malgré cette intention de soutenir les YouTubeurs, les vidéastes et le partage, les députés semblent se tromper de moyen de soutenir la création individuelle en voulant reverser jusqu’à 70 millions d’euros de cette taxe au CNC.
En effet le CNC a encore bien du mal à soutenir les vidéastes français. L’organe qui doit soutenir ces nouvelles formes artistiques, le dispositif pour le Fonds Nouveaux Médias, ne disposait en 2015 d’un budget ne dépassant pas les 3 millions d’euros soit moins de 1 % du budget du CNC. Une somme qui doit ensuite être partagée entre jeux vidéo, festivals, et vidéastes… La répartition entre créations privées et financement du cinéma est donc pour le moins injuste.
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