Les Pays-Bas songent à introduire une dose de fair use dans leur système de droit d’auteur, afin de permettre le droit au remix. C’est la position défendue par le secrétaire d’Etat néerlandais Fred Teeven lors d’une conférence. L’Irlande et le Royaume-Uni réfléchissent également à un système proche du mécanisme américain, moins contraignant.

Depuis le Statute of Anne de 1709, la durée du monopole accordée par la loi à l’artiste a été continuellement rallongée, passant de 14 ans après la création de l’œuvre à 70 après la mort de l’auteur. Ce droit d’auteur exclusif, qui devait être à l’origine un monopole temporaire, s’est ainsi considérablement renforcé au fil du temps, devant la norme au détriment du domaine public, vu comme une anormalité.

Face à ce verrouillage, quelques gouvernements se disent prêts à assouplir les règles du jeu. S’il n’est pas évidemment pas question de tout remettre en cause, quelques États souhaitent se rapprocher de la position anglo-saxonne sur le droit d’auteur, en intégrant une dose de fair use (usage équitable). Celui-ci offrirait un contrepoids au droit d’auteur, en autorisant l’exploitation d’une œuvre selon certaines circonstances.

Le fair use pour avoir le droit au remix

C’est le cas des Pays-Bas. Le secrétaire d’Etat Fred Teeven, en charge notamment des droits d’auteur, a ainsi expliqué être en train d’explorer « un système d’exceptions au droit d’auteur plus souple qui pourrait fonctionner dans un contexte européen« . L’idée étant d’ouvrir le système actuel pour permettre l’usage d’œuvres actuellement protégées dès lors que celui-ci est raisonnable, proportionné et dans l’intérêt du public.

En l’espèce, il serait surtout question ici du droit au remix, d’après Bernt Hugenholtz professeur de droit à l’université d’Amsterdam. « Nous aimons tous YouTube. De nombreuses vidéos que nous dénichons sont des remixes créatifs de contenus protégés en vertu du droit d’auteur. […] Si vous appliquions aujourd’hui strictement la loi, nous ne serions pas autorisés à faire ces remixes« .

« La liberté est une bonne chose. Nous sommes tous d’accord pour dire que c’est bon pour la créativité, personne n’est affecté […]. Les ayants droit ne sont pas affectés, donc cela a beaucoup de sens de l’autoriser. Mais en Europe, là où nous n’avons pas de normes ouvertes comme la doctrine du fair use aux USA, nous ne pouvons pas faire ces choses sans enfreindre la loi« .

Le fair use ne vise pas à abattre les acquis du droit d’auteur, mais à les modérer. Cette approche permettrait par exemple de procéder à des reproductions, des modifications ou des détournements dans un cadre éducatif, scientifique, parodique ou encore journalistique. Les possibilités sont nombreuses. Un tel assouplissement serait bénéfique pour l’innovation et, par conséquent, pour l’économie même d’une nation.

L’Irlande et le Royaume-Uni pour, la France contre

Dans cette affaire, les Pays-Bas ne sont pas seuls. Deux autres pays au moins au sein de l’espace européen partagent cette opinion ou, en tout cas, sont prêts à en discuter. Il s’agit du Royaume-Uni et de l’Irlande. Dans le premier cas, c’est le premier ministre lui-même qui a évoqué une telle idée dans un discours pour une adaptation du droit d’auteur. Dans le second, un ministre a lancé un groupe de travail sur ce sujet.

En ce qui concerne la France, un tel sujet ne sera certainement pas abordé sous la présidence actuelle. En effet, le ministre de la culture et de la communication, Frédéric Mitterrand, a rejeté l’été dernier tout débat de fond sur le droit d’auteur, estimant que sa version actuelle est tout à fait adaptée à la sphère numérique. « Sa pertinence demeure intacte« .

Or, il faut se souvenir que Google lui-même avait plaidé pour un fair use à l’américaine en France, dans l’intérêt du pays, estimant que l’innovation était cadenassée par un droit d’auteur trop restrictif. Lors de sa venue à Paris, le cofondateur du groupe, Larry Page, avait voulu faire passer un message au gouvernement sur le droit d’auteur. « Si nous devions réécrire la loi, nous le ferions autrement » avait-il précisé.

Soulignons à ce sujet qu’un rapport publié par la CCIA, qui défend certes les intérêts de Google et Microsoft, avait estimé que le régime du fair use avait contribué à hauteur de 23 %, directement et indirectement, à la croissance des Etats-Unis entre 2002 et 2007. Ce qui est proprement considérable. À l’heure où les nations européennes cherchent à dégager des leviers de croissance, cette piste devrait être explorée.

À l’échelle du continent, il faut également souligner le discours remarqué de Neelie Kroes, commissaire en charge de la politique numérique de l’Union européenne. Elle a en effet invité, fin 2010, à revoir le système actuel du droit d’auteur qu’elle a décrit comme étant « inadapté« . Reste à savoir si en cas de révision du dispositif, le fair use ne sera pas oublié.

( photo : Fair Use Logo – Óà°inn )

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