S’il promet le changement, il y a au moins une chose pour laquelle François Hollande s’inscrit dans une parfaite continuité avec Nicolas Sarkozy : la vidéosurveillance. Invité lundi soir sur TF1 dans l’émission Parole De Candidat, le candidat socialiste a en effet repris à son compte la politique de surveillance généralisée de la population dans les lieux accueillant du public, en utilisant la langue nouvelle de l’UMP.
« Il y a une intensification des violences depuis plusieurs années. Les violences aux personnes ont progressé, de plus de 20 % depuis 10 ans« , a tout d’abord affirmé François Hollande, pendant que TF1 affichait un tableau (de source ministérielle) montrant que les atteintes à l’intégrité physique auraient progressé de 7,9 % depuis 2007, mais que les faits de délinquance constatés auraient diminué de 26 %. « Non seulement il y a des vols, mais des vols avec violence grave, et donc je comprends la peur qui saisit ces commerçants« , a-t-il poursuivi en s’adressant à une buraliste inquiète des braquages.
« Moi ce que je veux, c’est démontrer aux Français qu’il y a des réponses en matière de sécurité. D’abord de mettre davantage de moyens« , dit-il en proposant 1000 nouveaux fonctionnaires de « police, gendarmerie, justice » par an, pour compenser au moins partiellement la suppression de « 10 000 policiers et gendarmes depuis 5 ans« .
Puis, « deuxième élément de réponse : nous devons aider ces commerçants à avoir des systèmes de vidéoprotection. C’est très important pour qu’il y ait dissuasion et éventuellement des images qui soient prises« .
Or le terme impropre de « vidéoprotection » a remplacé le terme beaucoup plus réaliste de « vidéosurveillance » en 2009, lors de la rédaction de la grande loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (dite « Loppsi 2 »). L’objectif des rédacteurs étaient alors de faire croire que la multiplication des caméras n’était pas là pour surveiller la population, mais pour la protéger d’elle-même. C’est exactement le même type de raisonnement que celui qui a défendu le blocage des sites, soit-disant mis en œuvre pour éviter à l’internaute de tomber par hasard sur des sites qu’il ne souhaiterait pas voir.
Dans un rapport remis l’an dernier, la Chambre régionale des comptes avait révélé qu’à Toulon, depuis 2005, les 34 caméras installées dans la ville n’ont permis que 15 interventions en flagrant délit, et ont fait l’objet d’une quarantaine de réquisitions seulement. A Nice (où habite la buraliste qui interroge François Hollande), les 624 caméras (!) de la ville ont perdu de procéder à une moyenne de 0,34 interpellations par caméra et par an. Même constat à Lyon, où en 2010 les 219 caméras ont permis 200 arrestations, dans une ville qui a compté 20 604 actes de délinquance de voie publique.
Le sujet devrait être un sujet de clivage politique. Dans une enquête sur les 60 plus grandes villes de France, Owni avait remarqué que l’ensemble des municipalités gouvernées à droite étaient équipées de systèmes de vidéosurveillance, contre 60 % des villes de gauche. Dans les villes équipées, la surveillance est également plus étroite dans les villes bleues que dans les villes roses. « En moyenne nationale, dans les villes gérées par l’UMP, on compte une caméra pour 1831 habitants, contre une caméra pour 4732 habitants dans les villes socialistes« , remarquait le journal.
Le courage politique d’un futur président de la République de gauche serait donc de dire aux Français que la sécurité absolue n’existe pas, qu’il ne faut pas tout accepter dans la recherche de l’impossible, que c’est comme cela que l’on tombe dans une société sécuritaire, et que la surveillance généralisée de la population n’est pas une solution mais un problème.
Mais au lieu de cela, François Hollande a repris la novlangue popularisée par Nicolas Sarkozy.
Le passage en question est à 1h32 environ :
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