Trop, c’est trop. Devant la multiplication des cas d’abus de propriété intellectuelle, Numerama a décidé de créer un « prix Abuzip« , sur le modèle du fameux prix Busiris de Maître Eolas. L’idée est de « récompenser » les ayants droit qui demandent abusivement la suppression d’un contenu sous prétexte qu’il violerait leurs droits de propriété intellectuelle, soit que l’atteinte à la liberté d’expression est le but essentiel recherché, soit que la demande traduit un réflexe pavlovien de défense de la propriété intellectuelle davantage qu’une action réfléchie.
Le terme Abuzip renferme à la fois l’idée de l’abus de la propriété intellectuelle, par l’abus d’une « Intellectual property » (IP), et l’idée de la fermeture éclair (zip) qui vient museler la liberté d’expression.
Pour inaugurer ce prix, faisons entrer le grand vainqueur Louis Vuitton ! Nous avions déjà vu en fin d’année dernière que le fabricant de luxe français avait attaqué les producteurs du film Very Bad Trip 2, parce qu’il jouait sur l’usage d’un faux sac Louis Vuitton pour dépeindre le caractère d’un personnage. La marque française n’avait pas vu, ou pas voulu voir le second degré de la scène qui vaut à Warner Bros un procès en contrefaçon.
Mais Louis Vuitton a été encore plus loin dans la défense abusive de sa marque, sans craindre d’être à la fois dans l’absurdité la plus totale et de se mettre à dos ceux qui précisément défendent ses droits. Le fabricant a en effet écrit au doyen de la faculté de Droit de Pennsylvanie (.pdf), pour demander le retrait immédiat de l’affiche d’un colloque organisé au mois de mars sur « les questions de propriété intellectuelle dans la mode« . Pour illustrer la contrefaçon dont sont victimes les grandes marques, et le thème de sa conférence, la faculté avait réalisé son propre détournement du fameux monogramme de Vuitton, en remplaçant certains symboles par le © du « copyright », et par les lettres imbriquées « TM » pour remplacer le « LV » traditionnel.
« Cette action flagrante n’est pas seulement une violation grave intentionnelle et une dilution consciente des Marques LV, mais elle pourrait aussi induire les autres en erreur en leur faisant croire que ce type d’activité illégale serait en quelque sorte » légale » ou constituerait une » utilisation équitable » du fait que le Penn Intellectual Property Group parraine un séminaire sur le droit de la mode et qu’il » doit être expert « « , indique la lettre signée de la direction nord-américaine du groupe, qui ne manque pas de prendre de haut les professeurs de droits impliqués. « J’aurais cru que le Penn Intellectual Property Group, et ses conseillers professeurs, comprendraient les bases du droit de la propriété intellectuelle et seraient mieux inspirés que d’enfreindre et diluer les marques célèbres de marques de mode, dont les Marques LV, pour un symposium sur le droit de la mode« .
Dans sa réponse (.pdf), cordiale mais ferme et argumentée, la faculté renvoie le juriste de Louis Vuitton à ses études, en rappelant notamment qu’une marque n’est pas absolue, et qu’il n’y a contrefaçon que s’il y a risque de confusion entre un produit et un autre. Or, il n’y a pas de risque de confusion entre une affiche de colloque universitaire et un sac à main. « L’œuvre est clairement une utilisation équitable (…) et une parodie » protégée par la loi, écrit le juriste de l’université, qui cite une jurisprudence à l’appui, qui concernait déjà Louis Vuitton.
Non sans sarcasme, la faculté de Pennsylvanie invite Louis Vuitton à assister au colloque. « Eduquer nos étudiants à la fois sur les droits des titulaires de propriété intellectuelle, et sur les défenses contre eux, est un objectif clé du colloque« .
Pennsylvanie, 1. Vuitton, 0.
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