Le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian appelle la France à se préparer à une éventuelle tentative de déstabilisation lors de l’élection présidentielle qui aura lieu dans quelques mois.

La France pourrait-elle subir une déstabilisation politique similaire à celle qui a frappé les États-Unis au cours de l’élection présidentielle de 2016 ? C’est une éventualité à laquelle l’Hexagone doit impérativement se préparer pour les scrutins à venir, même si aujourd’hui il n’existe aucune preuve sur une tentative de manipulation du processus électoral français par une puissance étrangère.

Tel est le message qu’a voulu faire passer Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, lors d’un entretien donné au Journal du Dimanche le 8 janvier, alors que se profile à l’horizon l’élection présidentielle française. En effet, les électeurs  français seront appelés aux urnes les  23 avril et 7 mai pour désigner celui ou celle qui succédera à François Hollande à l’Élysée.

« Il ne faut pas être naïf », avertit celui qui a encadré les activités de la Grande Muette tout au long du mandat de François Hollande. « Depuis que je suis à mon poste et notamment depuis trois ans, la menace cybernétique est devenue majeure y compris sur nos propres outils militaires ». Et cela vaut aussi pour les échéances électorales, dont le résultat peut intéresser d’autres pays.

« Il ne peut être exclu que des opérations de même nature que celles observées aux États-Unis cherchent à perturber le processus électoral français », prévient Jean-Yves Le Drian. « J’appelle donc chacun à la plus grande vigilance ». Toutefois, il n’y a à l’heure actuelle aucun élément tangible démontrant une volonté d’ingérence dans le scrutin par des moyens électroniques.

Il ne peut être exclu que des opérations similaires à celles observées aux USA cherchent à perturber le processus électoral

Ainsi, « les analyses effectuées par ­l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’information n’ont pas permis à ce jour d’identifier des indices d’opérations de déstabilisation ciblant les élections en France », relève le ministre. Et de rappeler que l’Anssi a justement pris contact avec les principales formations politiques pour les sensibiliser sur ce sujet en octobre.

« En visant le processus électoral d’un pays, on attente à ses fondements ­démocratiques, donc à sa souveraineté », observe Jean-Yves Le Drian. « S’il y a eu une action pour ­influencer ou manipuler l’élection présidentielle américaine, c’est un événement grave. Si elle a été menée par un État, c’est une ingérence ­insupportable ». Pas question, donc, de subir le même sort que Washington.

Les États-Unis se disent convaincus de l’ingérence de la Russie dans la campagne de 2016. La Maison-Blanche a déclassifié des informations techniques décrivant les méthodes que les Russes emploient pour investir les réseaux informatiques et pris une série de sanctions contre Moscou. Les services secrets avaient dès le mois d’octobre pointé la responsabilité russe et d’autres documents consolidant l’hypothèse d’un piratage venu de l’Est pourraient être publiés dès cette semaine.

La France n’est pas le seul pays à craindre une intrusion dans son processus électoral. En novembre, le patron du renseignement allemand, Bruno Kahl, expliquait «  qu’il y a des indications selon lesquelles des cyberattaques se produisent dans le seul but de produire de l’incertitude politique ». Les électeurs allemands auront à se déplacer dans les bureaux de vote en 2017 lors des élections générales.

Le morceau de papier dans l’urne est en fait beaucoup plus sûr que tout ce qui est électronique

Cela dit, le risque d’un piratage électronique lors d’un scrutin français est assez faible dans la mesure où les opérations de vote sont très traditionnelles dans l’Hexagone : on vote avec des bulletins en papier et des urnes transparentes. C’est ce qu’il y a de plus sûr, estime au passage l’ex-patron du MI6, les services secrets britanniques, John Sawers. Il y a en fait peu de machines à voter en France.

En 2012, on dénombrait 64 communes de plus de 3 500 habitants dans cette situation, ce qui concerne plus de 1,5 million d’électeurs. Or, il y a un moratoire depuis 2007 qui bloque toute nouvelle installation de machine à voter.

Cependant, les tentatives de déstabilisation sur les élections françaises pourraient prendre une autre forme que celle de l’intrusion ou de l’attaque informatique. Il pourrait s’agir de stratégies d’influence à travers des médias étrangers. Ainsi, la chaîne de télévision Russia Today (RT) fait l’objet de critiques en Occident car elle est suspectée de servir la politique étrangère de la Russie.

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