En l’état actuel du droit et selon les dispositions de l’article L. 52-2 du Code électoral, il est interdit de diffuser le moindre résultat d’élection avant la fermeture du dernier bureau de vote présent sur le territoire métropolitain. Cette mesure ne concerne pas uniquement la presse. Elle couvre aussi tous les moyens de communication par voie électronique, notamment les réseaux sociaux. Violer cet article revient à s’exposer à une amende de 3750 euros.
À trois jours du premier tour de l’élection présidentielle, la Commission des sondages et la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale sont bien décidées à faire respecter la loi – aussi vétuste soit-elle. L’AFP rapporte ainsi qu’une équipe de 10 personnes sera chargée de surveiller le web français, en analysant des mots-clés, afin de traquer toute fuite avant la communication des résultats officiels à 20h.
« Toute personne pour qui une infraction est constatée sera déférée au parquet » a expliqué à Reuters Mattias Guyomar, secrétaire général de la Commission des sondages. « S’il y a diffusion en France, peu importe l’origine de la diffusion, la loi est violée, et nous saisirons le parquet », a-t-il poursuivi. Or, « on peut considérer qu’à partir du moment où un site est consulté à partir d’une adresse IP hébergée en France, il y a diffusion en France« .
Sur le plan des principes, les efforts des deux commissions pour faire respecter la loi électorale sont tout à fait honorables. Ils sont conduits au nom du respect du vote des citoyens. Personne ne peut décemment souhaiter qu’un scrutin aussi important que l’élection présidentielle se retrouve altéré par la diffusion de tendances – même fausses – alors que les bureaux de vote sont encore grands ouverts.
En revanche, il faut se demander pourquoi les sondages sortis des urnes sont autorisés mais aussi s’il ne serait pas plus cohérent de fermer tous les bureaux de vote à la même heure, quitte à avoir les résultats à 20h30 ou 21h, plutôt qu’à 20h. Si l’on veut vraiment régler ce problème, c’est à la source de l’information qu’il faut agir en empêchant les instituts de révéler la moindre information avant la fin du scrutin.
Il est complètement absurde de vouloir contrôler les discussions de millions d’internautes, alors qu’il serait beaucoup plus efficace et facile de contrôler la poignée d’instituts qui réalisent les estimations. Faut-il le rappeler, les Français sont plus de 20 millions sur Facebook et plus de 3 millions sur Twitter. Sans parler de la possibilité de consulter les sites de presse étrangers (belges, suisses, luxembourgeois…).
Seule une petite poignée d’instituts sont capables de livrer les tendances avant l’heure H. Qu’on leur interdise de diffuser et le problème n’en sera plus un. Cela obligera à attendre les résultats un peu plus longtemps, mais rien ne dit que ceux-ci doivent être communiqués forcément à 20h. En réalité, c’est surtout une tradition qui arrange bien les chaînes de télévision pour capter l’audience.
D’aucuns verront sans doute une sorte de privilège laissé à la télévision et aux journaux – cela leur permet de boucler dans les temps leurs éditions pour le lendemain matin -, vestige sans doute anachronique de la communication verticale (la TV émettant vers la population) alors qu’avec le net, c’est horizontal avec les réseaux sociaux. Chacun émet vers les autres.
La loi doit-elle être changée ? À l’heure de l’information en continue et de la communication en temps réel via Facebook et Twitter, la question mérite d’être posée. Certains pays comme le Canada ont d’ores et déjà annoncé leurs intentions de réviser leur législation pour prendre en compte cet état de fait (rappelons au passage que le Canada est un pays qui s’étale sur six fuseaux horaires).
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.