Une punition extra-judiciaire. C’est ainsi qu’a été décrite l’opération conduite mercredi par le FBI contre Mixmaster, un service permettant d’envoyer des courriers électroniques de façon anonyme. Les autorités fédérales ont emporté un serveur qui se trouvait à New York, dans une une baie partagée par le collectif Rise Up et l’organisation May First / People Link, selon un communiqué signalé par Jean-Marc Manach.
Officiellement, l’intervention du FBI dans le centre de traitement de données où se trouvait le serveur entre dans le cadre d’une enquête portant sur une série d’alertes à la bombe visant l’université de Pittsburgh. Les autorités semblent penser que l’auteur de ces menaces s’est servi de Mixmaster pour inquiéter la faculté américaine. Mais les deux groupes soutiennent que l’intervention du FBI répondait à un autre objectif.
Pour Jamie McClelland, présidente de May First / People Link, l’opération est « une attaque à l’encontre de tous les utilisateurs d’Internet qui ont besoin de communications anonymes« . Car la machine qui a été saisie ne contient aucune boîte e-mail, liste ou donnée, dans la mesure où le logiciel Mixmaster a été conçu spécialement pour rendre impossible le traçage des e-mails et asurer la protection de la vie privée.
Rise Up explique en effet que le système a été fait pour assurer un très haut niveau d’anonymat aux utilisateurs. Dès lors, aucune trace n’est enregistrée. Il n’y a ni journal de connexion, ni historique, ni détail quelconque. Dès lors, l’opération du FBI n’a aucun sens aux yeux du collectif, car aucun élément pertinent ne sera trouvé par les enquêteurs, quand bien même l’auteur des alertes à la bombe aurait utilisé Mixmaster.
« Le FBI pratique une approche au bulldozer, en arrêtant les services de centaines d’utilisateurs pour les actions d’un seul anonyme. C’est particulièrement mal visé car il y a très peu de chances que se trouvent sur le serveur des informations sur la source des e-mails de menaces » a commenté Devin Theriot-Orr, porte-parole de Rise Up. Les menaces ne s’arrêteront pas parce qu’un serveur a été mis hors ligne.
Or, « ces systèmes sont aussi importants pour les lanceurs d’alertes qui dénoncent les pratiques douteuses d’entreprises, pour les activistes militant en faveur de la démocratie dans des régimes répressifs, et beaucoup d’autres qui communiquent des informations vitales qui ne pourraient pas être signalées autrement« , poursuit le communiqué.
« Nous ne pouvons donc nous empêcher de nous demander pourquoi une mesure aussi radicale a été prise alors que les autorités savaient que le serveur ne contenait aucune information pouvant aider leur enquête. Son seul effet est de perturber les emails et les sites webs de milliers de personnes qui n’ont rien à voir« , a-t-il ajouté. Dès lors, le FBI semble avoir surtout cherché à donner l’impression de progresser sur l’enquête.
C’est en tout cas le sentiment de Rise Up et de May First / People Link sur cette affaire. Si les deux organisations conviennent qu’un service comme Mixmaster peut effectivement servir à quelques individus mal intentionnés, ces derniers ne sont qu’une infime minorité. La technologie en elle-même reste neutre. Tout dépend de l’usage qui est en est fait.
Dans cette affaire se pose la question de la proportionnalité des mesures au regard de la quantité de personnes utilisant Mixmaster pour des raisons légitimes et, surtout, au regard du taux réel d’abus. Car alors que l’enquête du FBI semble piétiner, de nombreux utilisateurs qui avaient l’habitude de passer par Mixmaster pour communiquer se retrouvent démunis.
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