L’Hadopi fait savoir que les abonnés dont les dossiers ont été transmis aux tribunaux sont tous des internautes qui n’ont jamais réagi à ses avertissements. Une information surprenante, qui peut soit relever d’un bluff, soit montrer que la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale ne sera pas appliquée pour les premières condamnations.

Notre confrère PC Inpact s’est-t-il prêté sans le vouloir à une instrumentalisation médiatique, ou l’Hadopi lui a-t-elle dit la vérité, toute la vérité et rien que la vérité ? Dans les deux cas, et le deuxième est de loin le plus problable, l’information est instructive.

Samedi, PC Inpact rapportait avoir discuté « dans les couloirs du Conseil d’Etat » avec la présidente de la Commission de Protection des Droits (CPD) de l’Hadopi, Mireille Imbert-Quaretta, qui est chargée de décider des mesures à prendre en cas d’avertissements répétés envoyés à un même internaute. Faut-il à nouveau avertir, ou envoyer le dossier au parquet qui décidera des éventuelles poursuites pénales à engager contre l’indiscipliné ?

Jusqu’à présent, les quelques abonnés dont les dossiers ont été transmis aux tribunaux sont « toutes des personnes pour lesquelles nous n’avons pu avoir aucun contact avec elles, ni connaître leurs motifs ou excuses légitimes« , a assuré Mme Imbert-Quaretta. « Nous avons donc transmis ces dossiers au Parquet avec les éléments constitutifs de l’infraction en notre possession. Le Parquet décidera de l’opportunité des poursuites« , a-t-elle ajouté.

Or voilà qui nous paraît surprenant, et qui a éveillé notre curiosité. Nous avions en effet démontré longuement, en fin d’année dernière, pourquoi le silence est la meilleure des défenses devant l’Hadopi. « La Commission de protection des droits ne peut transmettre un dossier au parquet que si l’abonné s’est en quelque sorte trahi lui-même en répondant à la Haute Autorité. En effet, les éléments matériels en la possession de l’Hadopi ne sont pas en eux-mêmes suffisants pour démontrer l’infraction reprochée, et il faut qu’elle obtienne des informations complémentaires que seul l’abonné peut lui fournir« , analysions-nous.

Il y aurait de la part de l’Hadopi un machiavélisme improbable, à faire croire par presse interposée que ce sont en fait ceux qui gardent le silence qui sont déférés devant le parquet. Interrogée par Numerama, l’Hadopi nuance en expliquant que « ne pas nous contacter augmente le risque de transmission« .

Si ce que dit la présidente de la CDP est juste (et ça l’est très certainement), c’est une autre conclusion à laquelle il faut aboutir. En effet comme nous l’expliquions dans notre article, « en soit, le silence de l’abonné n’empêche pas la transmission du dossier au parquet. Mais il complique énormément la procédure, qui ne peut plus se reposer sur le seul dossier de l’Hadopi« . Si l’abonné n’a donné aucun élément à l’Hadopi, il n’est plus possible en principe de recourir à la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale, qui permet une condamnation « vite-fait bien-fait » sans entendre l’abonné. Il faut diligenter une enquête et programmer un procès, si le parquet décide de poursuivre.

Le délai entre la transmission au parquet et l’éventuelle condamnation est alors fortement allongé, et l’abonné aura tout loisir de se défendre avant sa condamnation. Une stratégie plus risquée, qui lui permet de gagner du temps avant toute jurisprudence.

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