Dans un arrêt rendu début 2011, la Cour de cassation a consacré le statut d’hébergeur de Dailymotion. Ce n’est pas un éditeur, même lorsqu’il met en ligne une vidéo envoyée par un internaute. Pour la plate-forme française, cette décision rendue par la juridiction la plus élevée de l’ordre judiciaire est particulièrement sécurisante et empêche ainsi les ayants droit de réclamer des retraits massifs de contenus.
Mais encore faut-il que Dailymotion respecte les dispositions contenues dans la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) pour jouir pleinement de la protection conférée par le statut d’hébergeur. Or, un récent arrêt de la cour d’appel de Paris rappelle que la plate-forme peut malgré tout être condamnée. La raison ? Dailymotion a trop tardé à retirer des extraits de films notifiés par des ayants droit.
Dans leur verdict, consulté par l’AFP, les juges ont reconnu le statut d’hébergeur de Dailymotion. Toutefois, l’entreprise « a laissé s’écouler un délai de plus de trois mois entre la date à laquelle elle a eu effectivement connaissance des contenus contrefaits et la date à laquelle elle a procédé au retrait de ces contenus. Elle a ainsi manqué à l’obligation du prompt retrait qui incombe au prestataire de stockage« .
Or, la LCEN dispose qu’un hébergeur qui ne choisit pas les contenus qu’il héberge – en l’occurrence les vidéos envoyées par les internautes sur Dailymotion – ne peut être tenu civilement ou pénalement responsable que s’il a connaissance d’activités ou d’informations manifestement illicites et qu’il n’agit pas promptement pour retirer ces informations ou en rendre l’accès impossible.
Et si la notification des ayants droit a bien été reçue par Dailymotion, les juges ont considéré qu’un délai de trois mois n’était pas compatible avec le principe de promptitude inscrit dans la LCEN. D’autant que, toujours selon les magistrats, le site « a manqué à son obligation de rendre impossible à des contenus précédemment retirés un nouvel accès« .
La cour d’appel de Paris a donc confirmé le premier jugement rendu en juin 2010 et en a doublé les peines : 60 000 euros de dommages et intérêts pour les ayants droit (30 000 euros à chacun des producteurs du film d’horreur Sheitan). Le montant a été calculé sur la base du nombre de visionnages, 12 000. Dailymotion devra en outre verser 20 000 euros pour couvrir les frais de justice.
Au-delà du calcul du préjudice, la question de la longueur des extraits concernés se pose. Si ces derniers font quelques secondes ou plusieurs minutes, ce n’est pas pareil dans l’analyse du temps de réaction de Dailymotion. Mais en tout état de cause, il n’y a pas de droit à la citation en matière audiovisuelle en France, entraînant l’interdiction de tout extrait quelle que soit sa longueur.
Ce qui rend d’autant plus intéressante l’idée d’introduire un « fair use » en France.
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