En fin d’année dernière, le Parlement a adopté dans un climat de douce union entre la majorité et l’opposition une loi sur la copie privée qui prenait acte du fait que les professionnels n’ont pas à payer la rémunération pour copie privée lorsqu’ils utilisent les supports de copie (DVD vierge, clé USB, smartphones, etc.). Mais plutôt que d’exonérer ces acheteurs de la fameuse « taxe copie privée », le texte prévoit un dispositif extrêmement lourd de remboursement a posteriori.
En principe, le professionnel avance donc le montant de la rémunération pour copie privée, et demande ensuite à être remboursé. Une simple formalité que le gouvernement, avec la complicité des ayants droit, a tout fait pour transformer en véritable parcours du combattant. Nous avions ainsi établi la liste des pièces justificatives à fournir pour se faire rembourser quelques euros : carte professionnelle en cours de validité ou copie des statuts à jour, extrait K-bis, déclaration sur l’honneur précisant l’usage fait du support acquis, règlement intérieur ou tout autre document diffusé dans l’entreprise rappelant que les supports ne doivent pas être utilisés pour copier des œuvres, facture détaillée…
Bien que tout soit fait pour décourager les demandes de remboursement, un lecteur de Numerama a tenté l’expérience. « A la suite de l’achat d’une cinquantaine de clés USB destinées à constituer des supports de licences logicielles, je me suis « accroché au pinceau » et j’ai constitué le dossier de demande de remboursement : facture, kBis, statuts de la société, engagement sur l’honneur concernant l’utilisation professionnelle, tout cela me permettant de récupérer théoriquement environ 30 euros, » nous raconte-t-il.
Deux mois plus tard, il reçoit une réponse de Copie France (qui collecte la rémunération copie privée au nom des ayants droit) , qui lui explique que le remboursement est bloqué :
Monsieur,
Vous avez adressé à COPIE FRANCE une demande de remboursement de la rémunération pour copie privée incluse dans le prix de vente de supports ou appareils d’enregistrement que vous avez acquis à des fins professionnelles.
Cependant, ce droit à remboursement a été décidé par une loi récente (loi n E1898/2011 du 20 décembre 2011), qui ne précise pas le régime de la TVA qui lui est applicable. Nous avons donc immédiatement interrogé l’administration fiscale sur ce point et attendons actuellement sa réponse. Dès que l’administration nous aura précisé le régime de TVA applicable, nous pourrons alors procéder au remboursement demandé.
Nous comptons sur votre compréhension et mettons tout en œuvre pour résoudre cette question dans de brefs délais.
Le problème vient du fait que la rémunération pour copie privée est taxée avec une TVA de 19,6 % sur les supports vendus dans le commerce. Or, de son côté, la société Copie France facture la copie privée auprès des fabricants et des importateurs avec deux taux différents. La partie destinée aux auteurs, artistes interprètes et éditeurs est taxée au taux réduit de 5,5 %, alors que la partie destinée aux producteurs est taxée au taux normal. Si Copie France remboursait les 19,6 % de TVA payés par le professionnel, il serait donc débiteur d’une TVA qu’il n’a pas encaissée.
Dans l’étude d’impact de la copie du 20 décembre 2011, le problème avait été soulevé, sans être tranché. Le gouvernement avait estimé que bien qu’il pose plusieurs problèmes, et notamment celui de la TVA, le remboursement était préférable à un système d’exonération.
Dans son rapport, la députée Marie-Hélène Thoraval avait évoqué également la question de la TVA, en notant que le gouvernement penchait pour l’idée d’obliger Copie France à avancer le différentiel de TVA, en attendant d’être lui-même remboursé par le Trésor Public :
Afin que le remboursement de la rémunération soit effectué TTC, soit Copie France devra compenser pour l’acquéreur ce différentiel de TVA, à charge pour le Trésor public de le lui rembourser, soit Copie France n’inclut pas ce différentiel dans le remboursement de la rémunération et l’acquéreur du support devra obtenir le remboursement auprès du Trésor public. D’après les informations recueillies par la rapporteure, la première solution a les faveurs du Gouvernement.
Visiblement, la question n’a toujours pas été officiellement tranchée. Et elle ne fait certainement pas partie des priorités du nouveau Gouvernement.
Les professionnels qui veulent se faire rembourser leur « taxe copie privée » et qui sont prêts à remplir le lourd dossier devraient donc encore patienter longtemps, très longtemps.
De quoi donner peut-être du grain à moudre dans les recours intentés contre la nouvelle loi copie privée.
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