Le sénateur de la Gironde Alain Anziani a interpellé cette semaine le gouvernement pour lui demander des explications sur les problèmes posés par le vote par internet, et l’absence de transparence des audits.

Alors que se déroule actuellement le deuxième tour de l’élection législative organisée par internet, pour les Français des l’étranger, le sénateur socialiste Alain Anziani a décidé de ne pas attendre les résultats pour faire part de son inquiétude au gouvernement.

L’élu a interpellé jeudi le ministère de l’intérieur (c’est en fait le ministère des affaires étrangères qui est compétent pour le vote par internet) pour lui demander notamment si le gouvernement avait fait procéder à un audit de la sécurité du système de vote par internet, et si les résultats ont été rendus publics.

Sans attendre la réponse ministérielle, Numerama peut déjà rappeler que le gouvernement a bien mandaté la société ALTI pour réaliser un audit, mais que ce dernier n’a pas été rendu public. Le ministère des affaires étrangères a toujours prétendu que le rapport ne comportait aucune réserve sur le respect des conditions constitutionnelles de légalité du vote (secret, sincérité et accessibilité). Or ça n’est pas ce que laisse entendre l’avis de la CNIL sur l’arrêté encadrant le vote par internet, lorsqu’elle évoque le problème posé par le fait qu’un même prestataire (Gedicom) dispose à la fois des identifiants et des mots de passe, et qu’elle cite brièvement le rapport d’audit :

La commission considère la séparation des prestations d’envois des identifiants et des authentifiants comme nécessaire. En conséquence, le dispositif doit être modifié (…)

De plus, l’article 3 du projet d’arrêté développe le cadre de la maîtrise d’œuvre confiée à un prestataire technique, en précisant notamment :  » A l’issue des opérations électorales, le prestataire leur restitue les fichiers restant en sa possession et détruit toutes les copies, totales ou partielles, qu’il a été amené à effectuer, sur quelque support que ce soit  » Toutefois, le rapport d’audit, notamment en pages 28 et 30, met en évidence la nécessité de compléter l’expertise sur ce point avant le vote réel.

A ce jour, rien n’indique que l’expertise demandée ait bien eu lieu. Dans une discussion « en off », des haut fonctionnaires nous disaient ne « pas savoir » pourquoi l’audit n’a pas été rendu public.

La question du sénateur Alain Anziani (où l’on remarque qu’il parle du vote par internet comme d’une « expérimentation », alors qu’il s’agit bien d’une utilisation réelle, pour une vraie élection) :

M. Alain Anziani attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur les risques inhérents aux systèmes de vote par internet.
Pour la première fois, il a été proposé aux Français résidant à l’étranger de pouvoir voter par internet pour les élections législatives de 2012. Entre le mercredi 23 mai et le mardi 29, environ 130 000 Français de l’étranger ont voté par internet pour élire les onze députés qui les représentent.
À l’issue de cette expérimentation, qui est le premier scrutin numérique organisé en France pour une élection nationale, les utilisateurs des systèmes de vote par internet ont fait part de nombreux problèmes techniques. Ainsi, certains électeurs n’ont pas pu voter car ils possédaient une nouvelle version du langage de programmation Java, qui n’était pas compatible avec les verrous de sécurité mis en place pour ce vote numérique. Ces difficultés semblent être à la source d’une désaffection pour cette modalité de vote, puisque seulement 130 000 électeurs l’ont choisie, sur les 700 000 qui avaient exprimé leur intérêt auprès des ambassades.
De plus, certains internautes et experts en informatique affirment avec insistance qu’il est techniquement possible d’introduire dans le programme de ces systèmes de vote un logiciel malveillant permettant de détourner les identifiants des électeurs et donc de modifier leur vote.
Si cette faille de sécurité était avérée, elle nuirait gravement à la sincérité du scrutin et risquerait de conduire à son annulation. En conséquence, il lui demande de lui indiquer s’il a été procédé à un audit de sécurité de ce système de vote et si les résultats en sont publics. Par ailleurs, il souhaite savoir comment le ministère entend remédier aux difficultés techniques rencontrées lors du scrutin des élections législatives 2012. Enfin, il demande, préalablement à toute extension des expérimentations en cours, que soit menée une réflexion approfondie sur les défaillances potentielles des systèmes de vote dématérialisés, y compris les machines à voter.
De son côté, le Parti Pirate nous expliquait ce matin qu’il était prêt à déposer un recours devant le Conseil d’Etat pour faire annuler le vote par internet, mais qu’il avait besoin pour cela de la contribution de juristes bénévoles pour l’y aider.
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