C'est une première en France, qui pourrait en appeler d'autres. Dans un jugement du 7 juin 2012 (.pdf, communiqué par Florent Faessel), le tribunal d'instance de Brest a sanctionné l'utilisation du vote électronique pour l'élection des représentants du personnel et du comité d'entreprise de l'association quimpéroise Don Bosco. "Il convient de déclarer que le logiciel utilisé lors des opérations de vote ne respectait pas les exigences légales puisque, faute d'expertise conforme, on ne peut s'assurer que le logiciel présentait les garanties de sécurité attendues", explique le tribunal qui a décidé d'annuler l'élection, à la demande de la section locale de Force Ouvrière.
En 2004, la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) avait modifié le Code du travail, pour autoriser le recours au vote électronique dans les élections des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise. Il prévoyait que les conditions et modalités du vote électroniques soient définies par décret, lequel fut publié le 25 avril 2007. Ce dernier a imposé que "le système de vote électronique, préalablement à sa mise en place ou à toute modification substantielle de sa conception, est soumis à une expertise indépendante". Elle doit permettre de vérifier que l'identité des électeurs est bien assurée, et que la sincérité et la confidentialité du vote sont respectés.
Or dans cette affaire, il est apparu que la société Election Europe qui fournissait le logiciel de vote a produit, pour des élections organisées début 2012, un rapport d'audit réalisé dans le cadre d'élections prud'homales de 2008. "La SARL Election Europe ne justifie pas que le logiciel utilisé pour les élections de l'Association Don Bosco était identique à celui expertisé", remarque le tribunal.
Mais il y a plus grave. Comme le note FO Finistère dans un communiqué, "cette affaire a permis à l'Union Départementale FO de révéler que c'est ce même logiciel qui avait été massivement utilisé pour les élections prudhommales de Paris en 2008 et que le Directeur du Travail, M. Combrexelle, informé par la CNIL des importants problèmes avait choisi de fermer les yeux et de ne pas faire annuler les élections prudhommales malgré la sanction que la CNIL avait prononcé à l'encontre du Ministère du Travail et permettre ainsi à cette société de continuer à utiliser ce logiciel en tout impunité jusqu'à la décision rendue par le tribunal de Brest".
Il apparaît en effet à la lecture du jugement de Brest que la CNIL avait été très sévère à l'encontre de la solution utilisée pour les élections prud'homales, en relevant notamment que "seules certaines parties du code source ont été expertisées", et que "ce manquement ne permet pas de s'assurer du fonctionnement correct du dispositif de vote".
"Par ailleurs, note le jugement, elle a relevé plusieurs irrégularités lors du déroulement de ces élections, notamment s'agissant du scellement du dispositif de vote et du chiffrement du bulletin de vote".
"Elle a également relevé qu'il n'existait pas d'identification ni de la version du logiciel de vote installé, ni de la version du logiciel expertisé. Ainsi, la CNIL conclut que l'on ne peut savoir si le logiciel expertisé correspond bien au logiciel utilisé lors des élections".
"Nous avons décidé de rompre la chape de silence"
Or il faut rappeler au sujet des élections législatives de 2012 que le ministère des affaires étrangères, responsable du vote des français de l'étranger qui votaient par internet, a choisi de ne pas communiquer l'audit réalisé sur le dispositif de vote. Rien ne permet de vérifier, là non plus, que le logiciel expertisé est bien celui qui a été utilisé pour le vote, ou que l'expertise a été complète.
"Ce procès est exemplaire, car pour la première fois, un syndicat a pu apporter efficacement en justice des constats d'huissiers et les preuves d'irrégularités graves affectant la procédure de vote informatisée commercialisée par la société Election Europe et utilisée depuis de nombreuses années auprès d'entreprises prestigieuses et de grands partis politiques", explique Marc Hébert, secrétaire général de l'Union Départementale FO.
"Ayant obtenu que nos candidats soient élus dans l'entreprise, nous aurions pu être tentés de ne pas faire constater par le juge les graves atteintes aux libertés de vote des travailleurs, mais au contraire nous avons décidé de rompre la chape de silence et avons entrepris- après moultes expertises techniques, tests et travaux juridiques – de dire stop à des pratiques dont ni Election Europe et d'autres prestataires de vote, ni certains de ses clients ne peuvent sortir grandis. Cette procédure éthique, juridique et technique a mobilisé plus de 130 heures de recherche et d'expertise juridique, un constat d'huissier particulièrement lourd et précis et une bonne dose de bonnes volontés".
Le syndicat a notamment bénéficié de l'aide de Jean-Didier Graton, le président de l'Observatoire du vote que nous avions interrogé dans le cadre de notre grande enquête sur vote électronique aux élections présidentielles.
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