La consultation d’un site web encourageant à commettre des actes de terrorisme ou qui en fait l’apologie ne doit pas conduire en prison ni à verser la moindre amende. C’est à cette conclusion que le Conseil constitutionnel est parvenu vendredi 10 février dans un arrêt très attendu. Pour les Sages, l’article 421-2-5-2 du code pénal instituant ce délit « est contraire à la Constitution ».
Dans cet article de loi voté en juin, qui n’est désormais plus valide dans sa rédaction actuelle, il était énoncé que « le fait de consulter habituellement un service de communication au public en ligne […] provoquant directement à la commission d’actes de terrorisme [ou] faisant l’apologie de ces actes […] est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende ».
L’intervention du Conseil constitutionnel sur cette disposition législative fait suite à une question prioritaire de constitutionnalité transmise par la Cour de cassation au sujet d’un Angevin poursuivi pour ce délit. Celui-ci a été condamné au mois de septembre à deux ans de prison pour avoir notamment fréquenté un groupe de diffusion de l’État islamique sur Telegram, une messagerie chiffrée.
Pour conclure à l’inconstitutionnalité de cet article, le Conseil a tout d’abord rappelé le cadre général de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 en indiquant que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme », à condition bien sûr de respecter les limites de cette liberté « dans les cas déterminés par la loi ».
Or, souligne l’instance chargée de vérifier la conformité des lois avec la Constitution, « en l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d’accéder à ces services ».
Les membres du Conseil constitutionnel ont ensuite rappelé que les restrictions à cette liberté sont possibles, mais à la condition que celles-ci soient « nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi ». Or, ils ont été catégoriques dans leur arrêt : « les dispositions contestées portent une atteinte à l’exercice de la liberté de communication qui n’est pas nécessaire, adaptée et proportionnée ».
Inutile, inadaptée, disproportionnée
Sur la nécessité, le Conseil considère que les autorités administrative et judiciaire ont déjà à disposition un arsenal répressif conséquent pour faire face, que ce soit par le contrôle des sites et des services ou bien la surveillance d’une personne qui visite ces espaces « lorsque cette consultation s’accompagne d’un comportement révélant une intention terroriste, avant même que ce projet soit entré dans sa phase d’exécution ».
Quant à la proportionnalité et à la justesse, le Conseil fait remarquer que le texte « n’impose pas que l’auteur de la consultation habituelle [des sites terroristes] ait la volonté de commettre des actes terroristes » ni de vérifier que cette démarche « s’accompagne d’une manifestation de l’adhésion à l’idéologie exprimée sur ces services ». Bref, on prend aussi le risque de sanctionner la curiosité intellectuelle.
« Cette déclaration d’inconstitutionnalité prend effet immédiatement et s’applique donc à toutes les instances non définitivement jugées », ajoute le Conseil constitutionnel dans son communiqué de presse. Elle n’aura donc pas d’impact sur les personnes définitivement jugées. Selon les estimations de la journaliste Camille Polloni, il y a d’ores et déjà eu une quinzaine de condamnations prononcées en France sur vingt-et-une procédures qui ont été engagées.
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