Quel est le point commun entre Google, Facebook ou encore Amazon ? Ce sont des entreprises américaines extrêmement douées dans l’optimisation fiscale pour payer un minimum d’impôts. Mais ce sont également, de par la nature de leurs activités, de gigantesques silos qui collectent, stockent et exploitent des quantités faramineuses de données personnelles.
Face à ce constat, ne faudrait-il donc pas mettre en place une taxe spécifique ciblant l’usage des informations personnelles, dans la mesure où celles-ci sont devenues en quelque sorte « l’or noir » du numérique ? Interrogé dimanche à ce sujet lors de l’émission Questions politiques, l’économiste Thomas Piketty s’est montré sensible à cette idée, y voyant deux avantages :
Je pense que c’est une idée intéressante
« Je pense que c’est une idée intéressante qui permettrait de surcroît, au-delà des recettes fiscales, de mieux réguler l’utilisation qui est faite parfois de ces données ». Mais il prévient : ce dispositif, s’il voit le jour, ne doit pas remplacer l’impôt sur les sociétés — celui que les géants du net évitent par des montages complexes –, qui doit rester le mécanisme central pour imposer les entreprises.
Visiblement intéressé par cette idée, Thomas Piketty en touchera peut-être un mot à Benoît Hamon puisqu’il a rejoint l’équipe de campagne du candidat du parti socialiste pour l’élection présidentielle de 2017, avec la responsabilité de la partie sur le traité budgétaire européen. Benoît Hamon s’y montrera sans doute sensible, puisque son programme inclut justement un volet fiscal à destination des géants du net.
Benoît Hamon veut adapter la fiscalité
Hamon parle « d’adapter la fiscalité » en « mettant en place un reporting public pays par pays pour toutes les entreprises afin d’identifier les activités de leur filiale et repérer les sociétés ‘boîtes aux lettres’ ». Il tient aussi à encadrer la gestion des données personnelles par ces « géants du numérique qui pèsent plus que certains États », y compris la vente de ces informations.
La réflexion autour d’une taxation assise sur les données personnelles n’est pas récente. Déjà en 2013, elle transparaissait dans une mission d’expertise sur la fiscalité de l’économie numérique confiée au conseiller d’État Pierre Collin et à l’inspecteur des finances Nicolas Colin. Ainsi, la stratégie de certains groupes qui ont basé leurs activités dans des pays à la fiscalité clémente serait en partie contrée.
Avec ce dispositif, les bonnes pratiques pourraient être favorisées dans la foulée. « On peut envisager une taxe calculée par internaute, avec un principe de modularité de la taxe pour inciter aux bonnes pratiques. Les entreprises qui revendent les données personnelles, sans en informer les utilisateurs, pourraient être plus durement taxées », détaillait à l’époque un inspecteur des finances.
Mais cette perspective ne fait pas l’unanimité, même en France.
À ce sujet, la présidente de la commission nationale de l’informatique et des libertés, Isabelle Falque-Pierrotin, faisait savoir qu’un outil fiscal de cette nature favoriserait les « comportements vertueux », à condition de garder un haut niveau d’exigence pour la protection des informations privées et de distinguer les sociétés qui ne vivent que des données personnelles de celles qui les utilisent marginalement.
Du côté du conseil national du numérique, le ton n’a pas du tout été le même. Bien que reconnaissant la réalité et l’ampleur de ce problème pour les finances publiques, les experts de l’organe consultatif se sont opposés à la mise en place d’une nouvelle taxe spécifique, jugeant préférables d’étudier d’autres pistes.
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