La ministre déléguée à l'économie numérique a affirmé que le décret de l'article 4 de la Loppsi, relatif au filtrage extrajudiciaire des sites pédopornographiques, ne sera pas pris, remettant de fait le juge judiciaire au cœur du processus. Mais un sénateur s'interroge sur la stratégie du gouvernement pour lutter contre les sites illicites tout en préservant les libertés publiques.

Interrogée sur l'article 4 de la Loppsi, qui ouvre la voie au filtrage extrajudiciaire des contenus pédopornographiques, la ministre déléguée en charge de l'économie numérique a annoncé que le décret d'application relatif à sa mise en œuvre ne sera pas pris par le gouvernement. Par cette annonce, Fleur Pellerin a remis de facto le juge judiciaire au cœur du processus de filtrage en France.

Bien entendu, il ne s'agit là que d'une annonce. Rien ne permet d'affirmer que la position de Fleur Pellerin n'évoluera pas au cours de la présidence de François Hollande, surtout si d'éventuels faits divers relancent le débat. Pour enterrer définitivement l'éventualité du filtrage extrajudiciaire, il faudrait que la majorité présidentielle abroge l'article 4 de la Loppsi ou en change la formulation via un amendement.

L'absence du décret d'application a justement été relevée par le sénateur socialiste Luc Carvounas. Dans une question écrite posée à la ministre et repérée par Alexandre Archambault, le parlementaire reconnaît que les débats autour de l'article 4 avaient été animés et que sa rédaction "avait suscité de nombreuses inquiétudes". Mais ce n'est pas une raison pour ne rien faire.

"Même si cet article n'est sans doute pas assez adapté aux objectifs recherchés, il est tout de même impérieux de faire en sorte que certains sites Internet, et notamment ceux comportant des images pédopornographiques, ne soient plus en mesure d'être consultés", écrit le sénateur. Et là où l'article 4 se limitait aux contenus pédopornographiques, le sénateur évoque d'autres cas où le filtrage peut survenir.

Dans les faits, c'est déjà le cas. L'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) peut demander le blocage de sites web parce que ces derniers n'ont pas été labellisés. Cette décision a cependant été prise par l'ordre judiciaire, à savoir le tribunal de grande instance de Paris, et non une autorité administrative. Le cas de l'association Aaargh est un autre exemple de cas où une restriction de l'accès au site a été décidée.

Dans sa question, le sénateur ne manifeste aucune préférence. Il demande toutefois "comment le gouvernement compte protéger les libertés publiques sur Internet tout en luttant efficacement contre les sites pénalement répréhensibles".

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