Moins tendance aujourd'hui dans les médias, le phénomène du "cyberharcèlement" avait beaucoup fait parler de lui l'an dernier, notamment suite aux assises nationales sur le harcèlement scolaire de mai 2011. Le ministre de l'éducation de l'époque, Luc Chatel, avait en effet dévoilé un prétendu accord pour priver de Facebook les élèves qui se moquent un peu trop durement de leurs camarades ou de leurs enseignants sur les réseaux sociaux (un accord qui n'a finalement jamais existé).
L'initiative faisait suite notamment aux alertes lancées par la CNIL, qui avait prévenu que le nombre de cas de "cyberbullying" qui lui étaient rapportés était en augmentation. Mais nous avions mis en doute l'importance du phénomène en remarquant que les chiffres bruts étaient très faibles, et que l'alerte semblait donc disproportionnée.
Or une étude norvégienne confirme que les actes de harcèlement en ligne ne sont pas légion, et même qu'ils sont moins nombreux que les actes de harcèlement traditionnels.
"Les affirmations des médias et des chercheurs selon lesquelles le cyberharcèlement aurait augmenté de façon importante et serait désormais le problème numéro un du harcèlement à l'école sont largement exagérées", condamne le professeur de psychologie Dan Olweus de l'Université de Bergen, qui a mené l'étude. "Il y a très peu de matière scientifique pour démontrer que le cyberharcèlement aurait augmenté ces cinq ou six dernières années, et cette forme de harcèlement est en réalité un phénomène moins fréquent", assure-t-il.
4 % de harcèlement en ligne, contre 11 % "en vrai"
Le professeur Olweus, qui a reçu un prix pour ses 40 ans de recherches dans le domaine du harcèlement chez les jeunes, explique qu'il a livré plusieurs études sur le cyberbullying, notamment une qui a couvert 450 000 écoliers de 8 à 18 ans aux Etats-Unis entre 2007 et 2010. Il y a découvert que 18 % des élèves disent avoir été agressé verbalement, mais 5 % seulement l'avoir été sur Internet. 10 % reconnaissent avoir agressé/harcelé d'autres élèves verbalement, et seulement 3 % en ligne.
Dans une autre étude conduite en Norvège entre 2006 et 2010 auprès de 9000 élèves de 9 à 16 ans, 4 % se sont dits victimes de cyberharcèlement, contre 11 % par les méthodes traditionnelles.
Par ailleurs, 80 à 90 % des victimes de cyberharcèlement seraient aussi agressés verbalement "dans la vie réelle", ou faisaient tout autant l'objet de rumeurs malfaisantes. Le fait de faire disparaître les actes néfastes en ligne n'aurait donc qu'un impact limité pour les victimes.
Le psychologue tient à insister sur ce point pour ne pas que les efforts des pouvoirs publics et des écoles se concentrent en priorité sur Internet, qui n'est que la partie émergée de l'iceberg. Il reconnaît toutefois que certaines formes de cyberharcèlement peuvent avoir des conséquences néfastes plus durables et redoutables, notamment lorsqu'il s'agit de publier des photos ou des vidéos embarrassantes visibles par tous, alors que les insultes et autres brimades se limitaient auparavant aux cours de récré.
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