Un nouveau Tumblr dédié aux témoignages de cyberharcèlement vient de faire son apparition. Créé par une journaliste, Paye Ton Troll recense déjà de nombreux commentaires déplaisants reçus par des femmes (mais pas seulement) qui choisissent de revendiquer leurs opinions féministes sur Internet.

Paye Ta Robe, Paye Ton Journal, Paye Ta Fac, Paye Ton Sport… Depuis le lancement de Paye Ta Shnek en 2012, les doigts d’une main ne suffisent plus pour compter le nombre de Tumblr qui regroupent des témoignages de femmes racontant leur expérience du sexisme, qu’elles en fassent les frais dans l’espace public, leur vie professionnelle et plus largement leur quotidien. Une liste à laquelle vient de s’ajouter hier Paye Ton Troll, un nouveau Tumblr où s’affichent déjà de nombreux « témoignages féministes de cyber harcèlement impuni ».

Lancé le soir du 16 février 2017, le Tumblr Paye Ton Troll s’adresse d’abord aux personnes se revendiquant féministes, et qui subissent des commentaires ou remarques déplacées lorsqu’elles expriment cette opinion en ligne. À l’origine de l’initiative, on trouve la journaliste freelance et militante féministe Éloïse Bouton, membre des Femen jusqu’en 2014. « Cette semaine avait lieu mon procès pour exhibition sexuelle. J’ai été condamnée, et je me suis immédiatement faite troller », explique-t-elle à la rédaction de Numerama.

Menaces, harcèlement… la haine fait son chemin à l’encontre des personnes féministes sur Internet. « Ça fait des années que je suis trollée sur Internet parce que je suis féministe, j’ai même porté plainte pour menace de mort, des plaintes qui n’ont pas eu de suites », poursuit la journaliste. Avec Paye Ton Troll, Éloïse Bouton souhaite mettre en évidence le harcèlement que subissent les femmes, mais également les personnes non-binaires, non-Blanches, ou ne se reconnaissant pas dans les codes hétéronormés, qui expriment leur position féministe sur la toile.

Des trolls de la fachosphère ou de la Manif pour tous

« Le simple fait de mettre un hashtag #féminisme sur Twitter lorsque je publie un article déclenche la plupart du temps des trolls, indique la créatrice du Tumblr. Ce sont souvent des commentaires qui viennent de la fachosphère ou des sympathisants de la Manif pour tous. » Le lancement du Tumblr, que la militante a aujourd’hui complété d’une page Facebook et d’un compte Twitter, n’était pas particulièrement prémédité.

CC Flickr barnimages.com

CC Flickr barnimages.com

« Le cyberharcèlement touche un adolescent sur quatre, et surtout des femmes, tout particulièrement des féministes. Tout cela parce qu’elles exposent leurs idées. Je voulais réagir à cette forme d’impunité. Beaucoup de femmes en parlent déjà en partageant leurs témoignages de manière isolée, par exemple sur Facebook », nous explique Éloïse Bouton.

Une parole libérée sur Internet

Tumblr a également vu naître le 3 janvier 2016 le collectif Féministes contre le cyberharcèlement, qui tente via le hashtag #TwitterAgainstWomen d’informer les victimes des recours qu’elles peuvent utiliser contre les cyberviolences. Un collectif intersectionnel (c’est-à-dire que ses membres sont des personnes subissant simultanément plusieurs formes de discriminations sociales, par exemple le sexisme et l’homophobie) avec lequel Éloïse Bouton est en contact.

La tentative de Paye Ton Troll de mettre en lumière le phénomène du harcèlement subi par les femmes en ligne, n’est pas sans rappeler la façon dont le harcèlement de rue a lui-même émergé en tant que problème public. Diffusé en 2012, le film documentaire de Sophie Peeters, tourné à Bruxelles et intitulé Femme de la rue avait contribué à politiser cette forme de violence vécue par les femmes, mais pas uniquement, puisqu’elle peut égalent toucher, entre autres, les personnes racisées ou homosexuelles.

Éloïse Bouton gère pour l’instant seule ce Tumblr, pour lequel elle a déjà reçu une trentaine de témoignages. L’exemple de Paye Ta Shnek l’a montré : ces initiatives isolées peuvent rapidement libérer la parole des victimes de sexisme ou de harcèlement.

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