Lorsque le gouvernement de François Fillon a fait publier le "décret anti-cagoule" du 19 juin 2009, et que le dispositif a commencé à inspirer d'autres initiatives réglementaires, nous avions demandé si une telle législation était compatible avec la protection de la vie privée. Nous aurions dû demander si elle était compatible avec la liberté d'expression, tant il semble clair que ça n'est pas le cas.
En 2009, le décret anti-cagoule prévoyait de punir de 1500 euros d'amende"le fait pour une personne, au sein ou aux abords immédiats d'une manifestation sur la voie publique, de dissimuler volontairement son visage afin de ne pas être identifiée dans des circonstances faisant craindre des atteintes à l'ordre public".
Par la suite, le gouvernement a radicalisé le dispositif par une loi du 11 octobre 2010 qui dispose que "nul ne peut, dans l'espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage". L'amende encourue est cette fois de 150 euros.
A l'époque, le dispositif avait été présenté tour à tour comme une loi visant à interdire le port du niqab, ou à assurer la sécurité en évitant que des voyous masquent leur visage pour commettre des forfaits sans être reconnaissables par les caméras de vidéosurveillance. Mais la loi est appliquée, en France, dans le prétendu "pays des Droits de l'Homme", pour empêcher les manifestations anonymes.
Ainsi La Provence rapporte cet épisode désastreux et honteux pour l'image de la France, intervenu à Marseille lors d'une manifestation de soutien aux membres du groupe Pussy Riot, lourdement condamnées en Russie :
Une poignée d'hommes et de femmes qui avaient déployé une banderole bardée du slogan "La poésie est incompatible où elle n'est rien", a eu la mauvaise surprise de se voir encerclée par un imposant dispositif policier. Leur faute ? "Ils portaient des cagoules sur la voie publique", tranche un haut gradé. "Ce qui est interdit. Ils seront donc interrogés et verbalisés." Des masques de carnaval et des déguisements colorés, en réalité, portés par ces joyeux drilles en guise de solidarité avec les turbulentes punkettes connues pour leurs tenues exubérantes. Et sagement retirées à la première injonction policière. Trop tard, visiblement.
(…) On est venu ici pour défendre la liberté d'expression en Russie et on se retrouve arrêté en France !", se désole une retraitée, fière.
Acte isolé d'un groupe de policiers trop zélés ? Peut-être. Mais il y a une dizaine de jours, des Anonymous affirmaient avoir été eux-mêmes verbalisés à Paris, pour avoir porté leur fameux masque Anonymous lors d'une manifestation contre la Scientologie (le mouvement Anonymous, historiquement, est né dans ce combat contre la secte). Le récit est à prendre au conditionnel, d'autant que la vidéo censée prouver la scène n'a pas encore été publiée :
Tout se passait bien avec un esprit "bon enfant" jusqu’à l’arrivée de la police. D’eux-mêmes et habitués, les Anonymous se sont alors regroupés sur le côté en attendant d’être contrôlés.
A la demande de la police, et une fois hors de vue des scientologues ceux-ci retirent immédiatement leurs masques et présentent leurs papiers d’identités (l’un des manifestants, portait un masque anti-poussière sous celui-ci).
A ce moment, l’un des policiers débarque et tout dégénère (…) Suite à cela, 5 anonymous auraient pris une amende de 90 euros (un montant bien inférieur à celui imposé par le décret, ndlr) pour dissimulation volontaire du visage sans motif légitime afin de ne pas être identifiés lors d’une manifestation sur la voie publique faisant craindre des atteintes à l’ordre publique.
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