Sur le papier, la loi Hadopi prévoit que les abonnés plusieurs fois avertis par la Haute Autorité peuvent être sanctionnés d'une amende de 1500 euros et/ou d'une suspension de l'accès à Internet pendant un mois. Mais la disproportion évidente de la sanction et la difficulté à prouver l'infraction sont telles qu'aucun tribunal n'a encore infligé la moindre peine, près de trois ans après la promulgation de la loi. Aujourd'hui plus que jamais, malgré plus de 340 dossiers passibles de transmission aux procureurs, il apparaît improbable que poursuites soient engagées pour "négligence caractérisée" dans la sécurisation de l'accès à internet. En tout cas, pas avec de telles sanctions.
Depuis plusieurs mois, les voix se multiplient donc du côté des ayants droit pour demander que les sanctions actuelles, inapplicables, soient remplacées par des sanctions certes plus douces en théorie, mais appliquées avec fermeté en pratique. C'est notamment ce qu'ont demandé le SNEP et la Sacem, cette dernière allant jusqu'à demander un système d'amendes automatisées calqué sur les radars routiers.
Jusqu'à présent, l'Hadopi était restée discrète sur le dossier. Mais la présidente de la Commission de Protection des Droits (CPD) de l'Hadopi, Mireille Imbert-Quaretta, est sortie de sa réserve jeudi soir, dans un commentaire publié sur le blog de Dwarfpower qui critiquait l'idée de remplacer la sanction actuelle par des amendes.
"Nous réfléchissons également à la suite de la réponse graduée", annonce la magistrate qui préside l'instance répressive de l'Hadopi. Mais il faut "réfléchir à quelque chose qui ne soit pas plus répressif que le système actuel", ce qui n'est "pas simple", écrit-elle.
Autres options : bridage du débit, questionnaire forcé sur le droit d'auteur…
Or, pour lever toute ambiguïté, Mme Imbert-Quaretta abonde dans le sens de Dwarfpower. "Je partage assez l’avis que des amendes contraventionnelles seraient beaucoup plus répressives que la réponse graduée", précise-t-elle, en apportant une liste d'arguments : le risque d'automatisation du processus, la possibilité de cumuler les amendes, l'impossibilité de recourir à condamnations avec sursis, la méconnaissance par le public visé du fait que les logiciels de P2P partagent les contenus et que c'est cette mise en partage qui fait l'objet des constats d'infraction…
"En conséquence s’il y a traitement automatique cela se traduirait pas des sanctions financières très importantes", redoute-t-elle.
De son côté, Pierre Lescure a jugé que la riposte graduée était "incontournable", tout en reconnaissant que la sanction actuelle est "pour l'instant inapplicable" et que "la coupure de l'accès à Internet est contre-nature".
Si ce ne sont pas des amendes, l'une des seules options disponibles restantes est de procéder à un bridage de l'accès à internet, ou à l'envoi de messages d'avertissement contraignants au sein-même des navigateurs des internautes, avec l'aide des FAI. C'est la voie choisie aux Etats-Unis, mais dont la mise en route est retardée, officiellement en raison de difficultés techniques des opérateurs. L'accord prévoit qu'au bout de 5 avertissements, les FAI peuvent réduire provisoirement le débit de la ligne, rediriger l'internaute vers une page d'explication ou un questionnaire sur le droit d'auteur, bloquer la ligne jusqu'à ce que l'abonné appelle pour se faire expliquer la raison du blocage…
L'Hadopi est de toute façon confrontée à un problème budgétaire. Tout en niant son absorption par le CSA, une source gouvernementale nous expliquait ces derniers jours que la riposte graduée ne serait pas arrêtée, pour ne pas envoyer de "message négatif". Mais comme a prévenu la ministre de la Culture Aurélie Filippetti, les crédits de l'Hadopi vont être réduits, ce qui obligera l'institution à baisser sensiblement le rythme d'envoi de ses avertissements.
La "suite de la riposte graduée" devra donc non seulement ne pas être plus répressive, mais aussi coûter moins cher.
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