Qu’est-ce que le temps de parole ?
Le suivi du temps de parole est l’une des missions du Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Cette mission était confiée au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), mais ce régulateur a disparu en 2022 : il a fusionné avec la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), pour donner l’Arcom.
La loi lui permet de fixer « les règles concernant les conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions relatives aux campagnes électorales » du fait de l’article 16 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, actualisée en 2021 avec la loi sur la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique.
Il s’agit de faire en sorte que « les éditeurs de services de radio et de télévision respectent le principe de pluralisme», expliquait le CSA dans sa délibération du 4 janvier 2011, pendant une durée relativement longue, de plusieurs semaines avant le jour du scrutin. Cette durée est en général de six semaines, mais elle peut être allongée ou réduite selon les circonstances.
En somme, il s’agit de veiller à ce que les candidats à une élection nationale , comme la présidentielle, bénéficient de la même exposition médiatique, par souci d’égalité. En cas de déséquilibre, l’Arcom est en mesure d’adresser des mises en garde, voire des mises en demeure pour obliger les chaînes de télévision et les stations de radio à rééquilibrer.
Pourquoi parle-t-on d’équité de temps de parole ?
Depuis l’élection présidentielle de 2017, l’égalité du temps de parole et du temps d’antenne n’est plus l’alpha et l’oméga de toute la campagne. Il faut composer avec une disposition particulière, l’équité de temps de parole et du temps d’antenne. Ce paramètre supplémentaire est toujours en vigueur avec l’élection présidentielle de 2022, précise l’Arcom.
Au journal Le Monde, Sylvie Pierre-Brossolette, alors membre du CSA et en charge du groupe de travail « Pluralisme » au sein de l’institution, avait expliqué que cette évolution a pour but d’apporter de la diversité politique.
« Ces nouvelles dispositions permettront une plus grande exposition de la campagne donc un meilleur pluralisme. Nous veillons au respect de l’équité entre les candidats. Lors des dernières campagnes présidentielles, la trop longue application du principe d’égalité a conduit à trop réduire les débats », avait-elle souligné à l’époque
Deux facteurs sont à considérer dans cette notion d’équité :
- Le premier porte sur la représentativité des candidats en tenant compte notamment de leurs résultats (ou ceux de leur parti politique) lors des plus récentes élections ;
- Le second concerne la capacité du candidat à manifester concrètement son implication dans la campagne (débats et réunions, désignation d’un mandataire financier, capacité à promouvoir son programme auprès du public).
Comment est assuré le décompte ?
Ce sont aux médias que revient la responsabilité d’assurer le décompte du temps de parole et du temps d’antenne des candidats et de leurs soutiens. Ces informations sont ensuite envoyées à l’Arcom selon les critères qu’elle a fixés. Depuis 2018, l’Arcom ne tient plus compte des notions de majorité et d’opposition, pour se concentrer sur les formations politiques.
Le CSA a prévu quelques exceptions. Par exemple, un reportage manifestement critique contre un candidat ne doit pas être comptabilisé dans son temps d’antenne. Idem pour un simple sujet d’actualité évoquant une affaire judiciaire ou toute autre information qui n’est de toute évidence pas à l’avantage du candidat. Le temps de parole d’un candidat peut ne pas être relevé en cas de « circonstances exceptionnelles ».
Gare enfin aux médias friands d’éditoriaux, de commentaires politiques, de revues de presse, de débats réunissant des journalistes, des experts ou d’autres personnes, d’analyses et de présentations de sondages d’opinion : ils « sont pris en compte dans le temps d’antenne lorsque, pour l’essentiel de leur durée, ils concernent un seul candidat et ne lui sont pas explicitement défavorables », peut-on lire par exemple dans une recommandation de 2021.
Quel est le calendrier ?
Pour l’élection présidentielle de 2022, le CSA distingue trois périodes de décompte des temps de parole et des temps d’antenne.
La première période a commencé le 1er janvier 2022 et s’est achevée le 7 mars, ma veille de la proclamation par le Conseil constitutionnel de la liste des candidats ayant obtenu assez de « parrainages » (500 de parlementaires ou d’élus locaux) pour continuer la campagne. Les candidats présumés ou déclarés ainsi que leurs soutiens bénéficient d’une équité de temps de parole et d’une équité de temps d’antenne.
Entre le 8 mars et le 27 mars (veille de l’ouverture de la campagne officielle) a lieu la deuxième phase. Elle est semblable à la première période mais elle ne concerne plus que les candidats encore en lice. Tous doivent être soumis à des conditions de programmation comparables, c’est à dire que les comparaisons se font par créneaux horaires (matin, journée, soirée et nuit).
La troisième période démarre le 28 mars, date du début de la campagne officielle, et prend fin le 24 avril, jour du second tour de l’élection présidentielle. C’est dans cette phase qu’est appliquée l’égalité de temps de parole et de temps d’antenne, à la fois pour les candidats et pour leurs soutiens. Les conditions de programmation comparables restent en vigueur.
Quels sont les médias concernés ?
Vingt-trois groupes médiatiques sont concernés par les temps de parole et d’antenne. Dan le lot figurent des chaînes de télévision généralistes, des chaînes d’information et des stations de radio. La liste a été fixée par la recommandation n° 2021-3 du 6 octobre 2021 du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Il est possible de consulter les relevés des temps de parole et d’antenne des candidats pour chaque média sur le site de l’Arcom.
- TF1 ;
- France Télévisions (France 2 ; France 3 pour son programme national et ses programmes régionaux, France 5, Outre-mer la 1ère radio et télévision) ;
- Canal + pour son programme en clair ;
- M6 ;
- C8 ;
- TMC ;
- BFM TV ;
- CNews ;
- LCI ;
- France Info ;
- RMC Découverte ;
- RMC Story ;
- Radio France (France Inter, France Info, France Culture, France Bleu) ;
- RTL ;
- Europe 1 ;
- RMC ;
- BFM Business ;
- Radio Classique ;
- Sud Radio ;
- France 24 ;
- RFI ;
- TV5 Monde ;
- Euronews.
Il est à noter que RT France figurait dans la recommandation du CSA en octobre 2021, mais la guerre en Ukraine est venue tout chambouler. La chaîne pro-russe a été bannie en Europe et pour l’instant son recours en justice n’a rien donné.
Quant aux autres chaînes de TV et de radio, ont-elles obligation de respecter les temps de parole et d’antenne ?
Oui, nous avait répondu le CSA en 2017, si jamais elles se mettent à vouloir couvrir d’une façon ou d’une autre l’élection, comme par exemple des radios musicales qui bousculeraient leurs programmes pour mettre en place des émissions dédiées. Dans ce cas, elles doivent se tenir prêtes à fournir au CSA « tous les éléments relatifs aux relevés des temps de parole et des temps d’antenne des candidats et de leurs soutiens pour la période qu’il leur indique. »
Pourquoi pas Arte ?
Interrogé, le CSA nous a expliqué que « la chaîne est en effet soumise à la surveillance et au contrôle des seuls sociétaires, ‘à l’exclusion de toute intervention d’autorité publique’. Ce statut particulier explique l’absence de signalétique jeunesse obligatoire sur toutes les autres chaînes françaises ». Et pourquoi ? Parce que la chaîne est franco-allemande et ne relève donc ni des autorités de contrôle allemandes, ni de leurs homologues françaises.
Les chaînes parlementaires (LCP Assemblée nationale et Public Sénat) sont aussi soumises à un régime à part.
Et le web ?
La recommandation du Conseil supérieur de l’audiovisuel prise le 6 octobre 2021 indique qu’elle s’applique aux services de radio et de télévision. Les sites web ne sont pas soumis aux règles imposées aux médias plus classiques. Et cela, même s’ils apparaissent en vidéo ou en podcast. Contacté en 2017, le CSA nous confirmait que cela figure en dehors du périmètre de sa recommandation.
Même les sites web des candidats sont éjectés du décompte, sans doute parce qu’il serait trop compliqué d’en faire le suivi : il est indiqué que cette règle « ne s’applique pas aux services qui, exclusivement accessibles par voie de communication au public en ligne, sont consacrés à la propagande électorale des candidats ou des formations politiques qui les soutiennent ».
Où lire le relevé du temps de parole ?
C’est sur le site du Conseil supérieur de l’audiovisuel que les relevés du temps de parole et du temps d’antenne peuvent être consultés, média par média. Pour chacun d’entre eux, le site détaille la durée d’apparition à l’antenne (en présence ou en parole) et la part que cela représente par rapport aux autres candidats déclarés ou présumés.
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