Au cours d'un point presse organisé ce mercredi, la présidente de la Commission de protection des droits a fait le bilan de deux ans de riposte graduée. L'occasion pour elle de revenir une fois de plus sur le rôle pédagogique de la Hadopi et de souligner que l'absence de sanction n'est absolument pas une erreur ou un oubli, mais bien une composante assumée de l'autorité pour amener progressivement les abonnés à ne plus enfreindre les droits d'auteur sur Internet.

Depuis octobre 2010, date d'envoi des premiers avertissements par la Commission de protection des droits (CPD) de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, presque deux ans viennent de s'écouler. À cette occasion, l'Hadopi a tenu un point presse ce mercredi pour faire un bilan d'étape sur la riposte graduée et son action depuis bientôt vingt-quatre mois.

Les chiffres de la riposte graduée

Animé par Mireille Imbert-Quaretta, la présidente de la CPD, le point presse a rappelé en préambule quelques chiffres sur la riposte graduée. Au 1er juillet 2012 il y a eu :

  • 3 millions d'adresses IP identifiées
  • 1,15 million de mails envoyés (1ère phase)
  • 100 000 lettres recommandées expédiées (2e phase)
  • 340 dossiers étudiés par la CPD (3e phase)
  • 30 auditions effectuées par la CPD (sans compter les échanges téléphoniques)
  • 14 dossiers transmis au parquet

La pédagogie comme boussole

Dans le détail, 65 000 personnes ont contacté l'Hadopi en 2011 suite au déclenchement de la riposte graduée. Si à la réception du mail, les abonnés réagissent peu (6 %), le deuxième avertissement les pousse davantage à contacter la Haute Autorité (24 %). Les prises contact portent avant tout sur des demandes concernant le détail des oeuvres (61,5 %), le reste (38,5 %) correspond à des observations formulées par les abonnés.

Une fois ces données rappelées, Mireille Imbert-Quaretta a souligné une fois de plus le rôle pédagogique de l'institution. Il ne s'agit pas de punir à tout prix l'internaute, mais de lui faire comprendre le droit d'auteur est un droit constitutionnellement garanti à travers le droit de propriété sans pour autant en passer par les tribunaux. C'est pour cette raison que la Hadopi a vu le jour : faire changer le comportement des internautes.

Un quatrième niveau dans la riposte graduée

Preuve de la volonté de l'Hadopi de ne pas jeter les abonnés à Internet dans les affres de la justice, Mireille Imbert-Quaretta a expliqué la mise en place officieuse d'un quatrième échelon sur l'échelle de la riposte graduée. Cette étape consiste à laisser une dernière chance à ceux en troisième phase. S'ils ne plus téléchargent plus illégalement, du moins s'ils n'apparaissent plus sur les radars, alors le dossier n'est pas transmis au parquet.

Et selon la Hadopi, les abonnés jouent le jeu. Sur les 340 dossiers en troisième phase, 75 % des prévenus finissent par se manifester. Seul un quart reste muet. Au total, 14 dossiers ont effectivement été transmis au parquet, a indiqué Mireille Imbert-Quaretta. La raison ? Une réitération s'est produite pendant la période de temps où les informations de l'abonné fautif étaient en possession de l'Hadopi.

La sanction n'est pas l'objectif

Pour illustrer le rôle pédagogique du dispositif, Mireille Imbert-Quaretta a souligné que les autres autorités de régulation ne produisent pas non plus des sanctions à la chaîne. Aussi bien l'autorité des marchés financiers, que l'autorité de la concurrence, le CSA, l'ARJEL ou encore le défenseur des droits. Chaque année, ces institutions prennent chacune moins de vingt sanctions.

Mais, rappelons-le, ceux visés par ces différentes autorités sont nettement moins nombreux que le public potentiellement concerné par l'Hadopi, cette dernière concernant en effet plus de 20 millions d'abonnés.

"Si la sanction était visée, il était inutile de mettre en place un dispositif aussi compliqué que la négligence caractérisée", a-t-elle continué. La législation actuelle en matière de contrefaçon prévoit en effet des peines pouvant atteindre jusqu'à 300 000 euros d'amende et 3 ans de prison. Celle-ci n'a d'ailleurs nullement disparu, les ayants droit lançant sporadiquement des actions en justice en jouant sur les deux tableaux.

L'avenir sous la présidence Hollande

Au cours du point presse organisé par l'Hadopi, la question de son avenir a inévitablement été posée. À l'heure actuelle, l'institution dispose d'un budget de 12 millions d'euros pour fonctionner et 60 % de ce montant est consacré à la riposte graduée. Or, la mission Lescure actuellement en cours pourrait aboutir à terme à une transformation plus ou moins prononcée de l'Hadopi, en particulier au niveau de ses missions.

Comme toutes les autres administrations, il est fort probable que l'Hadopi participe elle aussi à l'effort général consistant à réduire la voilure des dépenses. Il faut donc s'attendre à une réduction – vraisemblablement limitée – du budget attribué à la Haute Autorité. Cette baisse est d'ailleurs souhaitée par Aurélie Filippetti, qui a communiqué à plusieurs reprises sur ce sujet.

Mais la présidente de la CPD a rappelé que c'est au législateur de prendre ses responsabilités.

Bataille autour du budget

Dans la mesure où il s'agit d'une autorité administrative indépendante, et non un établissement public, le gouvernement ne peut pas priver Hadopi des moyens nécessaires à son bon fonctionnement dans la mesure où c'est le législateur qui a donné naissance à cette institution. Dans le cas contraire, Mireille Imbert-Quaretta estime que cela soulèverait des questions quant à la séparation des pouvoirs.

Cela étant, de source gouvernementale, l'exécutif compterait sabrer fortement dans les crédits de l'Hadopi afin de l'empêcher d'accomplir ses missions, sans la supprimer pour autant afin de ne pas se mettre en position délicate avec les ayants droit. Une réduction semble donc se profiler, sans pour autant priver l'autorité de tout moyen pour vivoter.

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