Il y a parfois des interviews qui donnent le sentiment que l’intervieweur a des idées plus affirmées encore que celles de l’interviewé. Cindy Léoni, la présidente de SOS Racisme, était dimanche l’invitée de Benjamin Petrover sur Europe1. A cette occasion, le journaliste a voulu l’interroger sur la question très délicate de la publication de propos racistes sur Internet, et sur la manière dont il fallait les combattre.
Le sujet est d’abord amené très délicatement, avec un art manifeste de la nuance. « Aujourd’hui, Internet est devenu un défouloir où l’on peut proférer toute sa haine avec un sentiment d’impunité« , affirme Benjamin Petrover, sûr de brosser son invitée dans le sens du poil. « Est-ce que dans ce domaine là, il faut renforcer l’arsenal juridique ?« .
« Effectivement« , répond Cindy Léoni dans un sourire qui ressemble à la satisfaction de la perche tendue. « Et c’est important pour nous d’interpeller les pouvoirs publics sur cette question d’internet, qui est aujourd’hui le principal outil de diffusion de la haine raciale. C’est un outil dont les personnes les plus mal intentionnées s’emparent, et qu’ils maîtrisent parfaitement. Il y a urgence à y mettre un coup d’arrêt, y compris par la voie législative« .
« Alors qu’est-ce qu’il faut faire ?« , demande le journaliste d’Europe1, qui rappelle que les hébergeurs agissent déjà pour retirer les contenus xénophobes lorsqu’ils leur sont notifiés. Mais « c’est fait aujourd’hui à la main, est-ce qu’il faut un dispositif plus global ?« , complète-t-il, comme pour pousser la présidente de SOS Racisme à dévoiler une exigence de filtrage automatisé des contenus racistes.
« Le problème, c’est les sites hébergés à l’étranger ».
En réponse, Cindy Léoni reste vague. Sans détailler sa demande, elle dit vouloir « obtenir un certain nombre d’engagements » de la part des hébergeurs, « puisque c’est un travail de fourmis » de faire remonter les signalements de contenus illicites. « C’est titanesque comme travail, et nous avons besoin d’un cadre juridique, encore que la législation ne va pas résoudre l’ensemble du problème« , reconnaît-elle.
Accroché à son idée, Benjamin Petrover lance à nouveau une perche : « on vous dit que le cadre juridique existe déjà en France. Le problème c’est à l’étranger, sur les sites hébergés à l’étranger« . Sous-entendu : il faut pouvoir en bloquer l’accès, à défaut de pouvoir en réguler le contenu.
« Exactement, les gens utilisent ce vide qui existe à l’heure actuelle« , reconnaît Cindy Léoni. « On a des sites d’extrême droite qui seraient normalement condamnés, mais qui par la voie de l’hébergement à l’étranger échappent à tout contrôle« , ajoute-t-elle.
Mais elle n’ira jamais jusqu’à plaider explicitement pour des mesures de filtrage. Prudence, ou langue de bois ?
En 2010, l’actuelle présidente de la CNIL Isabelle Falque-Pierrotin avait remis à François Fillon un rapport sur le racisme sur Internet, qui indiquait que « le filtrage n’est pas un remède à généraliser« . Toutefois, il ajoutait que « les opérateurs devraient être encouragés à utiliser leurs outils de lutte anti-contrefaçon à base de fingerprinting pour éviter la réapparition des contenus racistes et antisémites supprimés à la suite des signalements faits par les internautes usagers de la plate-forme« .
Le même rapport faisait remarquer que « la présence des contenus racistes sur internet est réelle mais difficile à évaluer dans sa volumétrie exacte« . En 2011, l’Association des Fournisseurs d’Accès (AFA) avait noté que les signalements de contenus racistes avaient augmenté, mais que le nombre des contenus effectivement qualifiés de racistes après examen avait au contraire diminué.
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