Avec son interview accordée lundi au journal Le Monde, la ministre de la Culture Aurélie Filippetti a marqué sa différence avec ses prédécesseurs. Sur au moins deux points. Tout d'abord, contrainte ou aidée par la crise budgétaire, elle a rompu la tradition républicaine en annonçant l'abandon de la Maison de l'Histoire de France, qui devait devenir le grand héritage culturel laissé par Nicolas Sarkozy, à l'instar des musée du Quai Branly, du Quai d'Orsay, de la Bibliothèque François Mitterrand, ou du Centre Pompidou. Ensuite, elle a porté pour la première fois depuis bien longtemps un discours qui n'est pas celui attendu par les professionnels de l'industrie culturelle.
Ainsi, la ministre a annoncé l'abandon du Centre National de la Musique (CNM), que les professionnels du secteur voyaient comme la source de nouvelles aides financières, et elle a une nouvelle fois attaqué le bilan de l'Hadopi, autre héritage laissé par Nicolas Sarkozy.
Alors que la Haute Autorité assure que 95 % des 1,15 million de mails qu'elle a envoyées auraient un effet, Aurélie Filippetti a nié à l'Hadopi tout impact de la riposte graduée sur le comportement des internautes. "Les pratiques ont évolué, et pas seulement en France", a-t-elle fait remarquer. "Aux Etats-Unis également", précise-t-elle, alors qu'il n'y a pas encore de mécanisme de riposte graduée de l'autre côté de l'Atlantique. Pour la ministre, il n'y a aucune raison de conserver une autorité administrative coûteuse qui n'a aucun des effets attendus par ses géniteurs.
Immédiatement, en qualité de Secrétaire national de l'UMP en charge de la Communication, le député et ancien rapporteur des lois Hadopi Frank Riester a réagi aux propos d'Aurélie Filippetti. Elle "admet que les comportements des internautes ont évolué et que le téléchargement illégal a reculé, mais prétend que la HADOPI n'y est pour rien", écrit-il dans un communiqué en voulant pointer "quelques contradictions".
Or, assure le député UMP, "ce recul est pourtant plus rapide en France que dans d'autres pays et c'est bien parce que la riposte graduée remplit une fonction pédagogique, efficace et éprouvée".
Le piratage en recul "plus rapide en France que dans d'autres pays" ? C'est sans doute vrai, on trouvera toujours quelque part "d'autres pays" où le piratage recule moins rapidement, si tant est qu'il recule effectivement en France. Mais lesquels ?
L'indicateur qui compte n'est pas de savoir si le piratage recule en France plus qu'ailleurs, ce qui reste à démontrer. Il est de savoir si la consommation de biens culturels payants augmente en France plus vite que dans les pays qui n'ont pas de système de riposte graduée (c'est-à-dire à peu près tous les autres pays du monde). Or cela n'a, à notre connaissance, jamais été démontré non plus.
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