Amnesty International s’est associé à d’autres ONG pour appeler à la responsabilité des entreprises spécialisées dans la vente de données personnelles. Le document pointe du doigt les risques que pourrait entraîner un fichage des musulmans présents aux États-Unis, souhaité par Donald Trump.

Le fichage des musulmans proposé par Donald Trump a provoqué une véritable levée de boucliers dans le secteur de la tech. En décembre 2016, plus de 500 salariés signaient un texte contre ce projet, avant que Microsoft leur emboite le pas en s’opposant également à cette initiative. À présent, c’est au tour de l’organisation non gouvernementale Amnesty International d’interpeller les data brokers, ces sociétés privées spécialisées dans la collecte et la vente de données personnelles, un mois après le scandale du MuslimBan.

Soutenue par seize autres ONG, Amnesty International leur adresse une lettre, citée par nos confrères du Monde et dont on pourrait traduire le titre par : « N’aidez pas à construire un fichier d’enregistrement des musulmans ou à faciliter les expulsions de masse ».

Un appel à s’engager formellement

« Nous ne savons pas ce que le futur réserve, mais les déclarations du président sont une source de préoccupations, écrit le regroupement d’ONG dans cette lettre. Le président n’a pas exclu la possibilité d’un fichage des musulmans, et a annoncé son intention d’expulser rapidement entre 2 et 3 millions de personnes. […] Ces politiques pourraient être un désastre pour les les droits humains, et les data brokers et analyseurs de données ne doivent pas en être complices. »

Source : Gage Skidmore

CC Gage Skidmore

Comme le soulignent les ONG dans cette lettre, les data brokers peuvent collecter des informations de différentes natures, comme les transactions en ligne passées à l’aide de cartes de crédit, les données de géolocalisation des téléphones, les numéros de sécurité sociale ou des données issues des réseaux sociaux. En clair, elles piochent dans différentes sources d’apparence anodine et à usage souvent quotidien. Ces entreprises sont pour l’instant régulées a minima par le droit américain.

« Il est important de noter que certains usages du big data, y compris par les data brokers, ne violent pas les droits de l’homme, mais le fait d’amasser de telles quantités de données personnelles entraine un risque sérieux qu’il y ait des usages potentiellement dangereux de ces informations », avertissent les auteurs de cette lettre.

En effet, l’instauration d’un tel registre impliquerait nécessairement une forme de discrimination en fonction du critère religieux. Les ONG alertent ainsi sur le risque de surveillance illégale généré par le projet, et appellent les data brokers a prendre en compte le respect des droits humains dans leurs pratiques.

Collecte omniprésente

Dans un texte complémentaire, publié sur Medium, Amnesty International rappelle que le boom des mégadonnées pendant les dix dernières années facilite aujourd’hui grandement la constitution de fichiers. Les data brokers rompent avec la logique traditionnelle de l’enregistrement de personne ciblées dans un fichier : il suffit par exemple de cocher une case sur un formulaire ou d’autoriser une application à accéder aux réseaux sociaux pour que les données en question commencent à être collectées.

« Nous les appelons à rendre publics les efforts qu’ils prennent afin d’assurer qu’ils ne violent pas l’éthique ou qu’ils ne contribuent pas à des violations des droits humains, et à s’engager à ne pas permettre que leurs données ou services soient utilisés par les autorités d’une façon qui viole les droits de l’homme, particulièrement ceux des musulmans ou des migrants, dont les droits sont clairement menacés », concluent ces ONG.

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