Si l'on excepte les propos du vice-président Joe Biden, qui avait qualifié Julian Assange de "terroriste high-tech" en décembre 2010, les autorités américaines ont toujours pris soin de ne pas désigner Wikileaks ou ses partisans comme des ennemis des Etats-Unis. Ce qui passait parfois par certaines subtilités. Ainsi par exemple, le soldat Bradley Manning – qui est en prison depuis plus de 850 jours sans avoir été encore jugé – est poursuivi pour avoir "aidé l'ennemi" par l'intermédiaire Wikileaks, "l'ennemi" étant Al-Qaïda et non Wikileaks.
Mais la subtilité pourrait avoir été oubliée dans au moins une affaire.
Le Sydney Morning Herald révèle en effet qu'une analyste informatique de l'armée de l'air américaine, basé en Grande-Bretagne, a fait l'objet d'une enquête interne des autorités militaires, parce qu'elle était suspectée d'avoir fourni des informations confidentielles à Wikileaks ou à ses partisans. Or, selon le journal australien, le chef d'accusation porterait sur un crime de "communication avec l'ennemi", Wikileaks étant décrit comme "un groupe anti-USA et/ou un groupe anti-militaire".
Pour l'avocat américain de Julian Assange, Michael Ratner, les documents déclassifiés sur cette enquête (qui n'a finalement à rien) prouveraient que c'est bien Wikileaks qui est cette fois désigné comme l'ennemi, puisqu'aucun autre (en particulier Al-Qaïda) n'est mentionné dans l'enquête. Seule la communication avec Wikileaks et ses soutiens est visée. "Presque tous les documents s'intéressent aux communications de l'analyste avec des gens proches de Julian Assange et de Wikileaks, ou des soutiens, avec l'inquiétude qu'elle puisse divulguer des documents classifiés à Julian Assage et Wikileaks", relate l'avocat. "Il apparaît que Julian Assage et Wikileaks sont "l'ennemi". Un ennemi est traité selon les lois de la guerre, ce qui peut inclure la mise à mort, la capture, la détention sans procès, etc.".
Cependant lorsque l'on y regarde de plus près, le récit du Sydney Morning Herald et de l'avocat de Julian Assange semble sauter un peu trop vite aux conclusions. L'analyste était en effet suspectée d'avoir violé un article du Code unifié de justice militaire, qui punit de la peine de mort le fait d'aider l'ennemi, notamment en lui donnant des informations ou en en correspondant avec lui. Mais il s'agit du même article que celui utilisé contre Bradley Manning. Et il précise que la communication avec l'ennemi peut être soit directe, soit indirecte. Le fait que l'ennemi à qui auraient profité les informations divulguées ne soit pas mentionné ne suffit peut-être pas à exclure que Wikileaks soit visé comme le moyen ayant permis de correspondre de façon "indirecte" avec l'ennemi.
L'avocat de Julian Assange a tout intérêt à livrer son interprétation de l'accusation, pour démontrer le risque de peine de mort qu'encoure son client. C'est en effet ce risque qui a largement motivé, officiellement, le choix de l'Equateur d'accorder son asile diplomatique à Julian Assange.
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