Si vous deviez déterminer les trois principaux défis auxquels le web face aujourd’hui, quelles problématiques choisiriez-vous ? La surveillance électronique de masse ? La persistance des formats propriétaires ? L’insuffisance compatibilité des sites avec les règles de l’accessibilité pour les personnes handicapées ? Tous ces challenges sont importants, mais ce ne sont pas les enjeux les plus urgents du moment, selon Tim Berners-Lee, le père du world wide web.
À l’occasion de l’anniversaire des vingt-huit ans du web, celui qui, en mars 1989, a suggéré à son supérieur un nouveau projet de système de gestion de l’information à base de liens hypertextes, a signé dimanche 12 mars 2017 une tribune dans laquelle il liste les trois obstacles qui empêchent le web « d’atteindre son véritable potentiel, celui d’un outil au service de l’humanité toute entière ». Des sujets sur lesquels sa fondation va se pencher au cours des cinq prochaines années.
Ces obstacles, quels sont-ils ? La perte de contrôle sur les données personnelles, la facilité avec laquelle les fausses informations se propagent et la publicité à caractère politique.
Données personnelles
Dans sa tribune, Tim Berners-Lee pointe la trop grande dépendance du web à l’égard du modèle économique actuel, qui consiste à marchander les données personnelles. En clair, de nombreux services sont gratuits, parce qu’ils se paient en collectant, traitant et stockant les informations que les visiteurs laissent sans y prendre garde — les conditions générales d’utilisation au moment de l’inscription peuvent pourtant annoncer la couleur, mais qui les lit attentivement ?
Ce business a aujourd’hui un autre effet : ces services, qui deviennent de fait des silos centralisés à données personnelles, attirent d’autres intérêts, notamment étatiques. L’affaire Snowden l’a montré lorsqu’il a mis à nu la NSA. Dans les régimes répressifs, cette collecte peut conduire à des arrestations ou des meurtres. Dès lors, nombreux sont ceux qui optent pour l’autocensure, préférant nuancer leurs propos sur des sujets sensibles comme la santé, la religion, la sexualité ou la politique.
Fausses informations
Le sujet a explosé avec l’élection présidentielle américaine de 2016 et est aujourd’hui devenu un enjeu de toute première importance : les fausses nouvelles se répandent trop facilement sur le net. La raison ? « La plupart des gens découvrent les actualités et les informations sur le web par l’intermédiaire d’une petite poignée de réseaux sociaux et de moteurs de recherche », dont le business repose principalement sur l’économie du clic, analyse Tim Berners-Lee.
Cette économie du clic a donné naissance aux fameuses bulles filtrantes, dans la mesure où ces sites « sélectionnent le contenu proposé en fonction d’algorithmes qui apprennent de nos données personnelles récoltées en permanence. Le résultat net est que ces sites nous présentent des liens vers des contenus sur lesquels selon eux nous allons cliquer », pointe le père du web. Il est impératif que les plateformes que sont Facebook et Google poursuivent leur combat contre les fausses actualités.
Publicités politiques
« La publicité politique ciblée permet à une même campagne de présenter des messages radicalement différents, voire contradictoires, à différents groupes de personnes. Est-ce démocratique ? », s’interroge Tim Berners-Lee, qui note que selon une enquête du Guardian, jusqu’à 50 000 variantes de messages publicitaires étaient présentées chaque jour sur Facebook, durant l’élection américaine de 2016. « Une situation presque impossible à surveiller ».
« On soupçonne que certaines publicités politiques, aux États-Unis et dans le reste du monde, sont utilisées sans éthique pour diriger des internautes vers des sites de fausses informations, par exemple ou pour en dissuader d’autres d’aller voter », s’inquiète Tim Berners-Lee. Et tout ça, sur fond d’aspiration des données personnelles pour profiler les internautes et d’usage inconsidéré des algorithmes. Pour le père du web, la mise en place d’une réglementation est indispensable.
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