C'est un sujet récurrent : les jeux vidéo peuvent-ils avoir un effet sur le comportement du joueur ? Tout ou presque a été écrit sur cette question, sans qu'une réponse définitive et indiscutable puisse être apportée. Les faits divers récurrents survenant aux États-Unis, en France ou dans n'importe quel autre pays relancent toutefois le sujet à intervalle régulier, véhiculant à chaque fois nombre d'avis divergents sur la question.
On ne compte plus les études sur l'impact du jeu vidéo sur l'attitude du joueur. Certaines ne trouvent aucun lien de causalité entre la pratique du jeu vidéo et l'apparition ou le développement d'un comportement violent. D'autres mettent en avant les effets positifs de certains jeux, dont quelques titres sont utilisés dans le cadre d'un traitement thérapeutique. Mais si cette pratique a des vertus, est-t-elle aussi porteuse de risques ?
20 minutes de jeu par jour, pendant 3 jours
C'est à cette dernière question qu'une étude internationale a tenté de répondre. Mobilisant les universités de Hohenheim (Allemagne), de l’État de l'Ohio (États-Unis) et de Grenoble, ce nouveau travail scientifique a voulu évaluer si les jeux vidéo violents développent l'agressivité des joueurs et modifient en conséquence leur comportement, notamment dans la vie quotidienne.
Conclusion des chercheurs, rapportée par l'AFP : la pratique du jeu vidéo violent peut effectivement générer des attitudes négatives, celles-ci pouvant se cumuler et persister de façon relativement durable. Pour arriver à ce résultat, l'expérience conduite par les scientifiques des trois universités s'est décomposée en deux volets et a mobilisé 70 étudiants des deux sexes pendant trois jours.
Chaque jour pendant trois jours, les sujets ont joué pendant 20 minutes à des jeux, qu'ils soient violents ou non. Une fois leur session vidéoludique terminée, ils devaient alors lire une histoire présentant une situation de conflit potentiel puis imaginer la suite des péripéties et la réaction des protagonistes. Ceux ayant joué à un titre violent imaginaient alors plus souvent une histoire au dénouement hostile et agressif.
Le second volet de l'expérience a pris la forme d'une compétition entre les sujets dans laquelle le perdant pouvait subir des chocs sonores en guise de punition. Là encore, il a été constaté que les candidats ayant joué à un jeu violent avaient tendance à accentuer la sanction infligée au perdant, en comparaison des joueurs ayant joué à un jeu non violent.
Hausse du comportement violent au fil de l'expérience
Au fil des trois jours, les chercheurs ont remarqué une évolution à la hausse du comportement agressif des joueurs. À force de jouer à des jeux violents, les sujets avaient une attitude négative de plus en plus marquée. D'où la conclusion des chercheurs, dont l'étude sera publiée dans la prochaine édition le magazine scientifique Journal of Experimental Social Psychology.
Professeur de psychologie sociale à l'université Pierre Mendès-France de Grenoble et membre de l'institut université de France, Laurent Bègue décrit ce travail comme "la première au monde qui étudie de manière expérimentale les effets à long terme des jeux vidéo violents". Se pose néanmoins des questions sur la méthodologie choisie par les chercheurs.
Trois jours, est-ce un délai suffisant pour déceler avec certitude l'émergence de comportements négatifs surtout au regard de la brièveté de la session de jeu (20 minutes) ? À lire la réaction du chercheur français, oui. "Les effets des jeux vidéo violents ne sont pas suffisamment manifestes pour qu'on s'en rende compte à l'œil nu. C'est un facteur de violence avéré qui ne peut pas être négligé".
"Aujourd'hui en France, le scepticisme est constant" sur les effets des jeux vidéo violents sur le comportement des joueurs, a reconnu Laurent Bègue. Celui-ci était d'ailleurs longuement revenu dans un entretien accordé au site Merlan Frit sur le comportement de meute de la communauté des joueurs et des réflexes pavloviens à chaque étude critiquant le jeu vidéo.
Le réflexe pavlovien des joueurs critiqué
"Lorsque vous faites état de recherches montrant certains effets défavorables de jeux vidéo violents, la deuxième réponse pavlovienne qui se déclenche mécaniquement (après l’argument des études contradictoires) est : "mais si, les jeux vidéo sont socialement importants et bénéfiques (serious games, effets thérapeutiques etc)", expliquait-il en août dernier.
Or, Laurent Bègue s'étonnait "de constater que les bénéfices imputés au jeu vidéo recueillent toujours un assentiment quasi-automatique. […] L’invocation des bénéfices du jeu vidéo, lorsqu’elle est hors sujet, se produit comme si les travaux très circonscrits qui font état de conséquences problématiques menaçaient l’empire du jeu vidéo qu’il faudrait alors sanctifier".
"De nombreux joueurs montent au créneau parce qu’ils pensent que les recherches sont insuffisantes pour se permettre d’affirmer que certains des jeux qu’ils apprécient ne soient pas nécessairement anodins. Un autre problème tient peut-être au fait qu’une lecture trop rapide de nos travaux peut laisser entendre que le jeu vidéo rend automatiquement tout le monde très violent, et que cette cause est l’une des causes principales des violences sociales.
"Évidemment, si l’on comprend cela, comment ne pas s’irriter ? " reconnait le chercheur." On peut également penser, face à des réactions aussi polarisées que l’autojustification fonctionne à plein régime. Si vous êtes joueur ou programmeur, le déni est une option tentante".
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