La France n'est pas le seul pays à produire des résultats absurdes concernant la riposte graduée. La lutte contre le téléchargement illicite en Nouvelle-Zélande – qui a mis en place un mécanisme similaire – engendre aussi des situations ubuesques, où le principal suspect ne s'avère pas être l'individu qui a effectivement procédé aux actes de contrefaçon qui lui sont reprochés.
Tech Liberty NZ signale que l'équivalent néo-zélandais de la RIAA, la Recording Industry Association of New Zealand (RIANZ), a abandonné les charges retenues contre le supposé pirate, visiblement parce que les accusations de l'association professionnelle ne tenaient pas face à la démonstration de la défense. Selon Tech Liberty NZ, la RIANZ a retiré sa plainte juste avant la première audience formelle sur cette affaire.
Les multiples failles de la procédure
Trois angles d'approche ont été suivis pour contester l'action en justice de la RIANZ. Tout d'abord, l'injustice du dispositif qui vise le titulaire d'un abonnement à Internet et non pas le véritable contrefacteur (en effet, un même accès à Internet peut-être partagé par plusieurs personnes : dans le cadre d'une famille ou d'une colocation par exemple). C'est condamner quelqu'un pour la faute d'une autre personne.
Ensuite, de nombreux incidents techniques ont émaillé le processus de riposte graduée. Le FAI concerné, Telecom, a envoyé un premier mail d'avertissement incorrect, puis un mail annonçant sa nullité, puis en a renvoyé un autre. Or, le second mail envoyé contenait également des erreurs, ne permettant pas au titulaire de l'abonnement de bien comprendre les griefs reprochés.
Les mails envoyés ensuite parce que l'internaute a atteint les deux derniers paliers de la riposte graduée n'étaient pas non plus très clairs. Ont-ils fait suite au premier mail, qui a été invalidé peu après par le FAI, ou au second ? Enfin, Tech Liberty NZ indique que l'avertissement final a été envoyé à l'abonné bien après la période légale d'envoi, le rendant ainsi invalide.
2669,25 dollars néo-zélandais réclamés à l'accusé
Enfin, parce que les sommes exigées par la RIANZ pour punir la supposée pirate et dédommager les ayants droit ont été jugées trop élevées par la défense. La RIANZ réclamait 2669,25 dollars néo-zélandais (NZD), dont 1075,50 NZD pour réparer le préjudice, 373,75 NZD pour couvrir les frais de justice et 1250 NZD au nom de la dissuasion anti-piratage.
Pour calculer le montant du préjudice, la RIANZ aurait pu se baser sur le nombre de musiques impliquées (cinq titres) et sur le prix moyen disponible sur une plate-forme légale de téléchargement (au hasard l'iTunes Store). 5 titres multipliés par un prix unitaire moyen de 2,95 NZD font 11,95 USD. Comment est-on passer à 1075,5 NZD ? En multipliant arbitrairement ce montant par 90.
La raison ? La RIANZ a estimé que chaque titre a dû être téléchargé 90 fois en moyenne. Sans doute la RIANZ s'appuie-t-elle sur une quelconque étude conduite par les ayants droit sur le sujet. Mais quel crédit peut-on accorder à la méthodologie qui a servi à estimer que les titres incriminés ont été téléchargés x fois ? Difficile de ne pas penser que cette estimation a été effectuée au doigt mouillé.
Une victime en collocation. Comment déterminer l'auteur ?
Selon Tech Liberty NZ, l'accusé par la RIANZ est une étudiante vivant en collocation. Selon son témoignage, le réseau sans fil disponible dans le cadre de son abonnement à Internet est protégé par un mot de passe. Ses colocataires affirment ne pas avoir téléchargé illicitement sur les réseaux P2P. Faut-il penser que la clé WiFi a été cassée ? Que l'une de ses colocataires maquille la vérité ?
Plusieurs conclusions sont possibles. Mais en l'état, il apparaît que la riposte graduée néo-zélandaise ne parvient pas à cibler précisément ceux qui piratent effectivement. Comme en France, le législateur a dû se résoudre à un tour de passe-passe en instaurant une infraction de négligence caractérisée pesant sur le titulaire de l'abonnement à Internet.
Dans l'Hexagone, la riposte graduée a produit son premier condamné, qui s'est lui-même trahi. Or, il apparaît que ce n'est pas lui qui a procédé aux téléchargements illicites repérés par TMG (deux titres de Rihanna), au nom des ayants droit. C'est son épouse. Au final, il a été condamné à une amende de 150 euros. Une peine plutôt légère au regard du maximum prévu par la loi (dix fois plus), mais qui pourrait ne pas faire peur.
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