Laissé totalement démuni par la précédente majorité qui l'avait pourtant créée, le Fonds censé permettre de lutter contre la fracture numérique en France ne sera pas davantage financé par le projet de loi de finances pour 2013. Le nouveau gouvernement a rejeté toutes les propositions de taxes visant à alimenter le fonds destiné à soutenir les collectivités locales qui manquent d'accès à très haut débit.

Vendredi, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2013, le Gouvernement a fait rejeter tous les amendements présentés par des parlementaires, visant à alimenter enfin les caisses du Fonds d'aménagement numérique du territoire (FANT). La question du financement de la résorption de la fracture numérique est une nouvelle fois remise à plus tard.

La FANT doit en principe permettre aux collectivités locales de trouver les ressources nécessaires pour financer leurs projets de déploiement de réseaux à très haut débit, lorsque les opérateurs privés jugent que l'installation de fibre optique coûterait trop cher par rapport aux bénéfices attendus dans des régions moins peuplées. Le dispositif avait été mis en place par la loi Pintat "relative à la lutte contre la fracture numérique" du 17 décembre 2009, qui posait le principe de l'élaboration de schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique (STDAN) à travers toute la France. Sur la base des STDAN, et à travers le FANT, l'Etat devait soutenir les collectivités locales qui souhaitaient déployer des réseaux très haut débit pour leurs administrés. Mais depuis trois ans le fonds est resté une coquille vide, qui ne dispose d'aucun euro à reverser aux demandeurs.

La fracture numérique dans les mains des fiscalistes

Or la coquille devrait encore rester vide quelques temps. Soutenu par le rapporteur de la Commission des finances Christian Eckert, le ministre du budget Jérôme Cahuzac a fait rejeter vendredi les deux amendements présentés par le député centriste Philippe Vigier (UDI), qui visaient à dégager de premières sources d'abondement du FANT. Le premier amendement proposait la création d'une "contribution de solidarité numérique" de 0,75 euros par mois sur les abonnements à internet et de téléphonie mobile, et la seconde une taxe de 2 % sur les téléviseurs et consoles de jeux. Il a également rejeté les deux projets de taxes présentés par la députée socialiste Monique Rabin ; sur la publicité en ligne et le commerce électronique (certains y auront vu la main du député UMP Philippe Marini).

En séance, le ministre Jérôme Cahuzac a expliqué que le Gouvernement préférait s'en remettre à la mission Collin-Colin commandée en juillet dernier à Pierre Collin (conseiller d'État) et Nicolas Colin (inspecteur des Finances), qui doivent remettre leurs conclusions d'ici la fin de l'année. De nature purement fiscale, cette mission n'avait pas jusqu'à présent donné l'impression d'être placée au coeur de la stratégie de l'Etat en matière de lutte contre la fracture numérique.

En attendant une communication attendue pour le début de l'année 2013, le gouvernement peine pour le moment à livrer une vision politique claire de la question de la fracture numérique, pourtant essentielle ; la ministre du numérique Fleur Pellerin ayant simplement dit vouloir du haut-débit pour tous d'ici cinq ans, sans préciser encore comment parvenir à cet objectif.

A défaut du FANT, qui n'a toujours aucun financement, les collectivités locales ne peuvent miser que sur le très pauvre Fonds national pour la société numérique (FSN), issu du grand emprunt, qui dispose pour toute la France d'une enveloppe de 2 milliards d'euros à consacrer au très haut débit… dont 1 milliard ne sert qu'à prêter de l'argent aux opérateurs privés. 

Or, comme le rappelait un rapport du Sénat (.pdf), "les besoins de financement globaux seraient, selon les dernières évaluations validées par l'Arcep, de 21 milliards d'euros", dont 7 milliards à apporter par les seuls pouvoirs publics. Il livrait aussi une interprétation politique au non-financement du FANT. "Le fait que le FSN a été créé par le Gouvernement, qui a donc décidé de ses règles de fonctionnement et d'éligibilité, à la différence du FANT qui relève d'une initiative parlementaire, interroge sur le souhait sous-jacent du premier de « garder la main » sur un système de financement dont il est à l'origine", faisait remarquer le rapporteur Hervé Moray.

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