Google n'est plus un moteur de recherche. Le service est devenu un éditeur et hébergeur de réponses, que la partie "moteur de recherche" sert à mettre en avant. Plus Google ajoute de services à sa galaxie, plus cette tendance et cette tentation se confirment et s'accentuent. Ce ne serait pas gênant si Google n'avait pas, grâce à ses qualités incontestables, réussi à devenir le moteur de recherche de 95 % des internautes en France. Mais le fait est qu'avec ce monopole de fait, Google dispose d'un pouvoir de nuisance extra-ordinaire sur tout un écosystème dont il est l'élément central.
Lorsque l'on parle d'élimination de la concurrence s'agissant du comportement de Google, il ne s'agit donc pas d'éliminer Bing, Yahoo ou autres DuckDuckGo, qui ne sont pas des concurrents. Ils n'existent pas. Il s'agit d'éliminer les services installés sur des marchés rémunérateurs qui bénéficient de la visibilité offerte par Google, pour placer à la place ses propres services.
Le phénomène est parfaitement décrit par le fondateur du site Achetez-moins-cher.com, Frédéric Lambert, dont la société créée en 1998 risque de disparaître. Certes, personne n'appréciait que les comparateurs de prix soient omniprésents dans les pages de résultats ; mais la façon dont Google a procédé pour les éliminer devrait poser question :
En 2012, après avoir dû licencier plus de la moitié de ses effectifs, Acheter-moins-cher.com est en crise: en 1 an et demi, Google a utilisé sa dominance dans la recherche pour s'attribuer le marché de la comparaison des prix.
2002 : Google lance Froogle, son comparateur de prix.
2007 : Google renomme Froogle qui devient Google Product Search puis Google Shopping.
2011 : Google introduit les réponses de "Google Shopping" dans le résultat de ses recherches et dans le même temps déclasse les comparateurs de prix dans ses résultats par le filtre dénommé "panda".
2012 : Google réduit progressivement de 10 à parfois 4 le nombre de résultats naturels par page, reléguant les réponses de ses concurrents toujours plus loin.Bingo! En quelques mois, après avoir introduit son service Shopping dans les résultats et en rétrogradant les concurrents au fond des classements, Google devient leader de la comparaison des prix.
Son service qui ne décollait pas depuis 2002 devient en quelques mois en 2011 le comparateur de prix le plus utilisé.
Si Google appliquait à "Google Shopping" les mêmes règles qui ont déclassées ses concurrents, Google shopping serait au fond des résultats car Google shopping a tous les défauts que Google Panda est censé combattre : pages créées automatiquement, contenus dupliquant ceux en provenance des sites marchands ou des marques, un système peu fiable avec un contenu "push" peu contrôlé, des frais de port fantaisistes voire inexistants et des informations prix non mises à jour.
(…) Google opère de la même façon sur d'autres secteurs d'activités : les vidéos, la cartographie, les avis locaux, les bons plans, les voyages, les billets d'avion et depuis peu la comparaison d'assurance.
Croire que Google peut s'auto-réguler pour éviter les conflits d'intérêts est d'une dangereuse naïveté. Pour preuve, le remède que propose la firme de Mountain View est d'apposer son logo sur ses propres services, comme si cela pouvait changer quoi que ce soit à la visibilité des concurrents qu'il écarte.
La seule solution, comme l'a préconisé le patron de la SNCF, serait de scinder Google en différentes divisions, dont l'une aurait pour seule fonction la gestion du moteur de recherche. Il faut établir un cordon sanitaire entre la recherche des informations et l'hébergement de ces informations.
Mais qui aura le courage d'une telle décision ?
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