Sans violer la neutralité d’internet, Orange a trouvé comment encourager ses abonnés à utiliser le Cloud d’Orange plutôt que des concurrents comme Dropbox, Google Drive ou SkyDrive. Une stratégie qui devrait être imitée tôt ou tard par tous les opérateurs.

Parmi ses nombreuses annonces de ce mercredi matin, dont la sortie de la nouvelle Livebox Play, Orange a annoncé le lancement de son offre de Cloud grand public. Concurrent direct des services proposés par Dropbox, SkyDrive, et autres Google Drive, le Cloud d’Orange permet de sauvegarder tous ses contenus (photos, vidéos, carnet d’adresses, musiques, SMS, etc.) vers un serveur distant, et de synchroniser automatiquement tous les appareils reliés au même compte, qu’ils soient fixes ou mobiles.

Concrètement, le service qui sera lancé en décembre offrira 50 Go d’espace de stockage gratuit aux clients Orange, et même 100 Go à partir de février 2013 pour les clients fibre équipés d’une Livebox Play, ou pour les clients à la 4G d’Orange.

Mais on voit avec cette offre comment Orange veut concrétiser son ancien slogan publicitaire, qui affirmait qu’il y a « internet, et Internet par Orange« . En effet, l’opérateur a précisé que ses clients aux offres mobiles pourront utiliser le Cloud d’Orange et ses 50 ou 100 Go sans que le volume de données échangées ne soit comptabilisé dans la limite de « fair use » autorisée. Au delà de cette limite, en principe justifiée par la nécessité de ne pas saturer l’utilisation des ondes qui sont en quantité disponible limitée, l’opérateur bride ou bloque l’accès à internet. Mais le Cloud d’Orange, parce qu’il ne s’agit pas stricto sensu d’un service sur internet (il s’agit en fait d’un service géré), n’est pas concerné par cette limitation.

Ainsi, les abonnés d’Orange qui utilisent Dropbox, SkyDrive, Google Drive et autres Hubic seront bridés s’ils utilisent « trop » leur service de cloud, alors que les utilisateurs du Cloud d’Orange ne subiront pas le moindre bridage. Orange avait déjà opté pour cette tactique de sape avec sa filiale Deezer, utilisable sans limitation de fair use sur certains forfaits Orange, mais elle est ici déployée sur une activité beaucoup plus centrale et hautement stratégique. Etre le fournisseur du cloud, c’est être celui qui fidélise l’abonné dont les appareils dépendent de ce cloud. Tous les coups sont permis.

Or toute la perversité juridique est qu’il ne s’agit pas ici d’une violation de la neutralité du net, puisque les services concurrents basés sur Internet ne sont pas bridés spécifiquement, mais subissent le bridage général qui s’active pour tout internet lorsque l’abonné a dépassé un certain volume de données (ce qui va très vite et ira d’autant plus vite que les usages de cloud s’intensifient). Le Cloud d’Orange n’étant pas basé sur internet – il n’est pas accessible aux abonnés de Free, SFR, etc. – mais fourni en tant que service géré, il ne subit pas le bridage. Les abonnés ont donc tout intérêt à utiliser le service de leur opérateur plutôt qu’un service concurrent. 

C’est tout le double discours des opérateurs télécoms, qui prétendent d’un côté défendre la neutralité du net, et qui de l’autre ne cessent d’ajouter des services gérés sur leurs boxs et désormais dans leurs forfaits mobiles. On a toujours le beau rôle à défendre la neutralité d’internet, lorsque l’on fait en sorte d’habituer et d’encourager l’abonné à utiliser autre chose qu’internet, de plus rapide, plus illimité, mieux intégré, etc.

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