En début d'année dernière, la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) avait ouvert une consultation publique sur les éventuels assouplissements à apporter aux exceptions au droit d'auteur, largement boudée par les ayants droit qui refusent que l'Hadopi fasse autre chose que botter le derrière des pirates récalcitrants. Les représentants des consommateurs et internautes ont eux aussi boudé l'initiative (sauf l'association CLCV), considérant sans doute que répondre au questionnaire était légitimer une autorité administrative dont ils souhaitent la disparition pure et simple.
Neuf mois plus tard, l'Hadopi a tout de même accouché vendredi de la synthèse (.pdf) de la quarantaine de contributions reçues par la Haute Autorité, provenant essentiellement d'industriels, d'universitaires, d'organisations bénéficiaires d'exceptions (bibliothèques, associations de personnes handicapées, …), de la presse, et des chaînes de télévision M6 et Canal+.
Malheureusement, la Haute Autorité a fait le choix de ne pas publier in extenso les réponses qui lui ont été adressées, préférant se contenter d'une synthèse de 36 pages qui permet certes d'avoir une vue d'ensemble, mais qui ne permet pas de comprendre précisément les arguments de chacun. Elle ne permet pas non plus de voir si des positions exprimées par tel ou tel contributeur ont été écartées de la synthèse, ou déformées. Au final, le travail débouche essentiellement sur un constat d'absence totale de consensus sur des évolutions à apporter aux exceptions droit d'auteur.
Il aura toutefois eu le mérite de confirmer que l'adoption d'un régime souple de "fair use" à l'américaine, envisagé au Royaume-Uni, en Irlande ou aux Pays-Bas, n'est pas prêt d'arriver en France. Ce régime, qui donnerait toute largesse aux juges de dire si une exploitation non autorisée d'une oeuvre est acceptable ou non au regard des intérêts de chacun (alors qu'actuellement il faut suivre à la lettre les seuls cas strictement prévus par la loi), ne semble en effet avoir en effet été soutenu que par une toute petite poignée de contributeurs. En fait, quasi exclusivement par Google.
Notons cependant que le sujet illustre parfaitement le problème de confiance posé par la publication de la seule synthèse. Dans le premier paragraphe de la page 33, il est en effet écrit que l'IABD fait partie des "praticiens" qui sont opposés "à la transposition du fair use en droit français et communautaire". Mais deux paragraphes plus bas :
"La contribution de Google, qui s’appuie également sur cette étude, insiste sur le décalage actuel entre ce que permettent les exceptions et la réalité des usages et cite des exemples de pratiques courantes qui seraient illégales au regard du droit positif alors qu’elles sont communément acceptées : photographie d’une œuvre vendue sur eBay, répétition d’une œuvre musicale les fenêtres ouvertes, prêt dans le cadre d’un cercle de famille très élargi et hors du foyer domestique grâce aux tablettes, soirée privée importante où est diffusée de la musique,… Selon Google, la loi devrait permettre tout usage raisonnable et Google prend alors parti pour une transposition du fair use, à travers l’adoption de critères généraux définissant les usages raisonnables qu’on peut faire des œuvres auxquelles on a accès. Les contributions de l’IABD et du Centre National de Documentation Pédagogique vont dans le même sens" (page 33)
Allez comprendre.
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