À Washington, le dossier russe continue d’être le boulet de l’administration Trump qui, après déjà plus d’un mois de pouvoir, doit encore se justifier de troublantes coïncidences. L’influence russe que pensent déceler les services secrets et les parlementaires américains a déjà mené à la démission de M. Flynn, compromis par ses relations avec Moscou et continue d’agiter le débat sénatorial depuis. Ce jeudi 30 mars, la commission du renseignement, dirigé par Richard Burr, ouvrira à nouveau ce dossier en promettant de faire toute la lumière sur des affaires qui mêlent cyberguerre, espionnage et lobbying.
« L’audition [de jeudi] a spécifiquement cela en tête, mieux informer le public, non seulement dans notre pays mais à travers le monde sur ce que prépare la Russie » précisait le Républicain à la presse la veille de la tenue de cette audition qui sera suivie de près aux États-Unis mais également en Europe où les alliés de l’OTAN se montrent de plus en plus suspicieux à l’égard des ingérences russes. Comme pour alerter d’autant plus les gouvernements européens, le sénateur Burr a ajouté dans sa conférence d’introduction : « Je pense qu’il est raisonnable de dire, d’après ce que tout le monde estime, que les Russes sont activement impliqués dans les élections françaises », a-t-il ajouté.
Il est encore difficile d’estimer ce qu’entend le parlementaire par ce tout le monde estime : on imagine qu’il parle des premiers retours qui lui ont été confiés par les agences de renseignement américaines qui prendront elles aussi la parole publiquement ce jeudi.
Proche d’une vision interventionniste dans la politique étrangère, une position pourtant de plus en plus inaudible, le Républicain conclut ainsi : « Nous estimons qu’il est de notre responsabilité de communiquer au reste du monde ce qu’il se passe, parce que nous sommes désormais face à la diffamation de candidats ». Comme instruit par l’élection Trump, Burr semble viser les programmes de désinformation financés par la Russie.
Une désinformation dont les contours demeurent flous en France. En-dehors des organes officiels comme RT et Sputnik, doit-on percevoir de nouveaux fronts d’ingérences ? Certains socialistes et des proches d’Emmanuel Macron ont déjà alerté les pouvoirs publics sur certaines perturbations qui pourraient avoir lieu. Toutefois en-dehors d’une crainte généralisée et d’articles propagandistes sur des médias peu recommandables, le champ d’action russe doit encore être délimité pour que les citoyens puissent voir comment le Kremlin peut jouer au marionnettiste dans l’hexagone.
La proximité évidente et revendiquée entre le FN et le gouvernement de Vladimir Poutine constitue-t-elle une ingérence ? Au sens strict du terme, non.
Néanmoins, si les renseignements français ou américain parviennent à démontrer qu’il y a, comme dans la campagne Trump, un soutien tacite et réciproque, le jeu diplomatique pourrait s’en retrouver considérablement changé. La question du financement russe du FN peut par exemple constituer un des mécanismes de l’ingérence russe même si aujourd’hui la question se pose différemment depuis l’évolution de ce financement à la suite de la faillite de la banque russe à l’origine des prêts.
Les affaires Fillon ont également éclairé des transactions et accords des plus flous entre le candidat de la droite, son cabinet de conseil et l’oligarchie russe : est-ce de ce type de collusion que les américains nous préviennent ?
Tout est encore à jouer et surtout à prouver pour les parlementaires américains proche des positions de l’OTAN et inquiets de voir l’Europe se fracturer sous le poids de la nouvelle politique étrangère russe. Mais pour convaincre le monde d’un éventuel danger, il faudra, pour une fois, faire preuve de clarté dans ces accusations.
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