Dans un décret publié l'an dernier, le gouvernement de François Fillon avait fixé le principe de la gratuité de la mise à disposition des données issues des administrations françaises, se conformant ainsi aux recommandations de Bruxelles sur l'Open Data. Cependant, la tentation de monétiser certaines bases de données a jeté un voile sur les intentions du nouveau gouvernement Ayrault.
Dans sa charte, le gouvernement affirmait pourtant avoir un "devoir de transparence", respecter "scrupuleusement les dispositions garantissant l'accès des citoyens aux documents administratifs" et mener "une action déterminée pour la mise à disposition gratuite et commode sur internet d'un grand nombre de données publiques". Les choses se sont depuis quelque peu complexifiées.
Dans un contexte budgétaire compliqué, des administrations aimeraient bien limiter la gratuité des données et faire payer l'accès à certaines informations. "Si l'on veut vraiment faire avancer les choses, il faut faire sauter certains blocages. Or l'information a un prix. Si l'on veut inciter les administrations à participer au mouvement de libération des données, il faut certaines contreparties", justifiait en octobre aux Échos un conseiller d'Etat.
Pour les partisans de l'Open Data, cet effort de commercialiser les données publiques représente une sorte de double peine pour le citoyen. La production de ces informations est en effet assurée par ces administrations, elles-mêmes financées par les impôts. Il est anormal que l'État demande aux citoyens ou aux entreprises de payer pour accéder et exploiter des documents réalisés grâce aux fonds publics.
Réaffirmer le principe de gratuité
Lors du premier Comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (CIMAP), Jean-Marc Ayrault semble avoir mis de l'eau dans son vin quant à la libération des données publiques. Comme l'a remarqué Laurent Guerin, le document (.pdf) du CIMAP revient sur la problématique de l'accès aux données publiques, dans une section intitulée "une administration ouverte pour encourager la citoyenneté active".
Le document propose de "réaffirmer le principe de gratuité de la réutilisation des données publiques et l'étendre, en concertation, aux collectivités, aux délégataires de service public, à la sphère sociale, aux autorités administratives indépendantes : dès 2013, la transposition du projet de directive européenne sur la réutilisation des données publiques offrira cette occasion".
Il poursuit en invitant à "développer la transparence de l'action publique et stimuler une citoyenneté active. Dès 2013, des travaux seront lancés sur la transparence de l'action publique, en ouvrant le débat sur la mise à disposition des données en matière d'éducation, de risques environnementaux, de système de santé, d'offre de transport et de logement et enfin de prestations sociales".
"L'implication des citoyens, des usagers et des agents dans la conception des politiques publiques et l'élaboration des services publics sera favorisée", conclut le document dans sa décision n°33. Il reste désormais à connaître les objectifs du gouvernement et constater la traduction de cette volonté en acte, après la valse-hésitation concernant la monétisation des données publiques.
Et pourquoi pas les photographies officielles ?
Le principe de gratuité des données publiques, réaffirmé au cours de ce premier Comité interministériel pour la modernisation de l'action publique, contraste fortement avec la décision controversée de la présidence de la République de ne pas publier les photographies officielles sous licence libre ou, à défaut, sous licence de libre diffusion, empêchant ainsi d'en user librement.
La production de ces photographies est pourtant financée grâce aux fonds publics, c'est-à-dire par l'impôt. Nous évoquions lundi en guise d'exemple la rencontre entre Eric Schmidt de Google et François Hollande, immortalisée par le photographe Pascal Segrette. Ce dernier est rémunéré par l’Élysée, donc par le contribuable. Une logique similaire à l'Open Data devrait pouvoir s'appliquer.
Le principe de l'Open Data s'applique à tout type d'information publique, y compris les photographies qui répondent à ses critères et quand bien même des droits d'auteur peuvent s'y appliquer. Or ici, l'Elysée a préféré reculer pour satisfaire des groupes de pression, au risque de donner un coup de canif au principe de gratuité et donc de liberté d'accès et de réutilisation.
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