Il fallait, ce weekend, profiter des beaux jours printaniers loin des réseaux sociaux, où le candidat Fillon et son camp ont passé les deux derniers jours à « pilonner » (sic) Emmanuel Macron. À l’aide de quelques hashtags douteux, lorgnant manifestement sur les #CrookedHillary de la campagne américaine, Les Républicains ont tenté de lancer une opération de communication pour attaquer et entacher celui qui constitue encore leur principal obstacle pour parvenir au second tour : le candidat d’En Marche !.
Fillonistes, pilonnons gaiement !
Tantôt appelé #MacronGirouette, #EmmanuelHollande ou encore #Macronlhéritier, le jeune candidat a animé l’imaginaire des responsables de la communication numérique du camp Fillon tout le weekend dans le but, assumé auprès du Parisien, de prendre en otage les réseaux sociaux pour attaquer cet adversaire venu du centre-gauche qui pilonne Fillon dans les sondages.
Les mots clefs sont déclinés sur différents visuels, venant principalement de l’équipe de campagne, et sont ensuite diffusés sur les réseaux sociaux, notamment Twitter, à des heures bien précises de manière à ce qu’ils émergent en tendance. Ainsi, ce weekend, Les Républicains se félicitaient d’avoir installé #EmmanuelHollande en TT durant quelques heures.
Néanmoins, malheureusement pour eux, une rapide analyse du hashtag montre finalement une performance réduite (un peu plus de 5 000 messages pour atteindre les TT), et un taux d’engagement de la part de comptes actifs relativement faible — nombreux sont les comptes à multiplier les messages. Pire encore, il semblerait qu’encore une fois, l’équipe Fillon a à nouveau eu recours à des bots pour gonfler artificiellement le poids de son message.
https://twitter.com/Manuel_Hollande/status/848836025061453824
Et là est très certainement la vraie faiblesse de la droite sur le web : a contrario de M. Trump qui co-agissait avec sa base de fidèles sur les réseaux sociaux, Les Républicains assurent l’ensemble de la communication, de la création à la distribution. Une démarche à contre-courant de tout ce que devait être une campagne de dénigrement bien basse comme en avaient le secret les sympathisants numériques de Trump.
Comment M. Fillon et son camp ont-il pu tomber aussi bas ?
La tromperie des fillonistes va jusqu’à une méthode Coué plutôt saisissante : depuis quelques jours, les soutiens du candidat relaient sans arrêt des sondages issus de l’institut canadien Filteris qui jugent du poids numérique de chaque candidat — autant juger le poids d’une pastèque à son odeur — représentatifs d’aucune intention de vote et à la méthodologie louche. Ces sondages ne valent pas grand chose.
Mais comment M. Fillon et son camp ont-il pu tomber aussi bas ? À quel moment, alors que la droite est déjà en difficulté sur son programme, est-il devenu plus important pour les fillonistes de se livrer à une trumperie anti-Macron plutôt que de faire campagne ? Certainement parce que le candidat français est, à l’instar de Trump, incapable de parvenir à s’exprimer avec clarté dans les médias traditionnels.
Du candidat à-la-papa au populiste : itinéraire d’une campagne ratée
La droite française s’est condamnée au silence en conservant François Fillon comme candidat pour la présidentielle. Inaudible sur son projet d’alternance et sans cesse renvoyée aux ahurissantes affaires qui suivent l’ombre de son candidat, la droite est atone durant cette campagne présidentielle qui était pourtant imperdable. Avec le soutien des 4 millions de participants à sa primaire, elle avait un boulevard, une voie royale, pavée d’or, pour aller s’asseoir sans l’ombre d’une perturbations derrière le bureau élyséen.
Et pourtant, affaire après affaire, scandale après scandale, ce camp politique — qui semblait pourtant majoritaire — s’efface, s’écrase et se voit obligé de suivre une stratégie bien différente que celle qui fut imaginée par M. Fillon quand il estimait encore pouvoir rassembler les Français grâce à son projet.
Mais l’affaire Penelope — l’arbre cachant la forêt de suspicions qui plombent la probité de M. Fillon — a fait voler en éclats l’idée d’une campagne réglo, à-la-papa, dans laquelle il suffirait de quelques bons meeting et des bonnes performances aux divers débats pour remporter en mai la fonction suprême. Désormais, François Fillon doit faire campagne comme deux, abandonné par les grands noms de sa famille — qui sont de moins en moins nombreux à se porter volontaires pour le défendre. Il rêve certainement de se décupler, à la manière de Jean-Luc Mélenchon et son hologramme.
Pour rattraper le retard qui le place en troisième homme de la présidentielle mais également la légitimité qui lui fait immanquablement défaut, il faudrait un sursaut réel et motivé de la droite française. Une droite dont l’électorat, bien que robuste, commence à se diluer entre Marine Le Pen pour les réactionnaires et Emmanuel Macron pour les libéraux. La saignée n’apparaît certes pas aussi dramatique que peut le laisser penser l’actualité mais elle est suffisante pour éliminer au premier tour le candidat qui, il y a encore quatre mois, n’avait aucune chance de perdre.
Sur le bloc des droites, le candidat présenté comme central se trouve finalement marginalisé et affaibli comme pourrait l’être une candidature fantaisiste, radicale ou populiste. Ce n’est donc guère une surprise pour les commentateurs de voir M. Fillon glisser de son héritage séguiniste et de son jansénisme politique à un verbe haut, aux sonorités sarkozystes quand il dénonce les juges et aux accents trumpistes quand il s’en prend à une presse que l’on fait huer dans ses rassemblements.
À contre-cœur peut-être, mais indéniablement, François Fillon a délaissé les costumes Arnys pour une casquette rougeoyante où se dessine discrètement un lettrage capital : Make François Fillon Great Again.
La tournure prête à sourire bien sûr, mais pour ne pas voir la trumpisation de M. Fillon, il faut se pincer très fort les deux narines en ouvrant Twitter.
Make François Fillon Great Again
Et si les mèmes, les shit-posts et autres trolls ont bel et bien eu un effet sur la campagne américaine, il ne faudrait pas oublier que ce ne sont pas tant les actions que le nombre de personnes impliquées qui comptait.
Quand M. Trump avait une communauté pro-active, M. Fillon a une communauté passive, désengagée et répondant à une logique de verticalité, presque stalinienne, qui est l’ennemi de toutes les bonnes communications de dénigrement. Car si, grâce aux réseaux sociaux, Fillon comme Trump se débarrassent des médias — des obstacles objectifs à leur réussite politique — seul l’un des deux semblait avoir de vrais internautes de l’autre côté de l’écran. Pas difficile de deviner lequel.
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