Les journaux européens ont décidé de se livrer une course à l'absurdité. En Belgique, les journaux ont obtenu de Google qu'il soit davantage avantagé sur les sites des journaux. En Allemagne, la presse a le soutien du gouvernement pour inciter Google à dé-référencer les titres allemands. En France, les grands quotidiens sont main dans la main avec l'Elysée pour menacer Google de faire adopter une loi qui créerait un droit exclusif plus strict encore que le droit d'auteur, menaçant la liberté de citation sur laquelle reposent souvent ces journaux.
Mais le plus absurde vient d'Irlande. Un cabinet d'avocats révèle que l'association des Quotidiens Nationaux d'Irlande, qui rassemble 15 grands journaux du pays, a commencé à envoyer des mises en demeure aux sites internet qui ont l'outrecuidance de faire des liens hypertextes vers leurs articles. Ils exigent de ces sites internet qu'ils achètent une licence au titre de leurs droits d'auteur, avec un prix de base de 300 euros… pour 5 liens maximum.
On ne parle pas de reproductions d'articles, totale ou partielle, mais bien de simples liens hypertextes menant vers l'article original. En l'espèce, le cabinet McGarr parle en exemple d'une association britannique contre les violences faites aux femmes, Women's aid, qui a décidé de faire appel aux avocats lorsqu'elle a commencé à recevoir courriers postaux, e-mails et coups de téléphones de la part des journaux irlandais qui lui affirmaient qu'elle devait acheter une licence pour faire un lien vers les articles qui parlaient de l'association. Ubuesque.
Le cabinet dévoile le barème tarifaire communiqué par les Quotidiens Nationaux d'Irlande :
- 1 – 5 liens : 300.00 €
- 6 – 10 liens : 500.00 €
- 11 – 15 liens : 700.00 €
- 16 – 25 liens : 950.00 €
- 26 – 50 liens : 1,350.00 €
- + de 50 liens : Négociable
Evidemment, une telle demande ne repose sur aucun fondement juridique sérieux. Mais en juillet 2012, les journaux avaient répondu (.pdf) à une consultation publique sur la révision du droit d'auteur, en affirmant qu'ils estimaient qu'un "lien vers un contenu protégé par le droit d'auteur constitue effectivement une violation des droits d'auteur". Elle demandait au législateur de préciser clairement dans la loi que le fait de réaliser des "liens profonds vers un contenu protégé par le droit d'auteur sans se conformer aux conditions d'utilisation du site lié et sans tenir compte des intérêts commerciaux de l'éditeur à protéger ses propres droits d'auteur est illicite". Elle n'autorisait les liens que s'ils étaient réalisés sans but lucratif.
En France, un tel barème n'a pas été dévoilé. Mais l'ambition des grands journaux est sensiblement la même, quoique plus limitée. Dans son projet de loi inepte que prévoit de reprendre le gouvernement s'il n'y a pas d'accord entre la presse et Google, l'association de la presse d'Intérêt Politique et Général (IPG) demande l'ajout d'un article de loi qui dispose que la création de liens hypertextes vers les journaux "ouvre droit à une rémunération équitable au profit des organismes de presse" lorsque ces liens proviennent de moteurs de recherche ou de services de référencement.
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